Telle une armature vacillante rongée par ses propres failles, cette alliance hétéroclite ne repose ni sur une stratégie concertée ni sur une hiérarchie solide, mais sur des arrangements de circonstance, aussi fragiles qu'éphémères.
L'absence de direction claire, conjuguée à l'improvisation tactique et aux rivalités intestines, condamne inéluctablement cette coalition à s'effondrer sous le poids de ses contradictions internes avant même que l'adversité extérieure n'ait à forcer le verrou de sa faiblesse structurelle.
Ce qui devait être une alerte stratégique est en passe de devenir une sinistre routine : dans la guerre qui ensanglante l'Est de la République démocratique du Congo, le même scénario se répète avec une régularité déconcertante. D'un côté, l'avancée méthodique et implacable de l'AFC/M23, de l'autre, une coalition hétéroclite aux allures de conglomérat militaire sans souffle ni doctrine claire, composée des Forces armées de la République démocratique du Congo, des milices dites Wazalendo, de contingents burundais et d'un cortège de mercenaires aux motivations aussi troubles que fluctuantes.
Face à la dynamique de cette guerre asymétrique, la coalition s'est à nouveau illustrée par sa marque de fabrique : la fuite érigée en stratégie militaire. Les positions sont systématiquement abandonnées dans une confusion générale, maquillée derrière le vocable pompeux de " replis stratégiques ", expression devenue l'ultime refuge sémantique d'une armée qui, sur le terrain, accumule les revers avec une constance désarmante.
La chute de Walungu n'aura été qu'un prélude. Désormais, Shabunda, verrou géographique d'une importance capitale dans la profondeur sud-kivutienne, est passée sous le contrôle des hommes du général Sultani Makenga.
Les quelques tentatives des milices Wazalendo pour freiner l'avancée de l'AFC/M23 telles ces barricades improvisées à partir de conteneurs de camions privés relèvent davantage d'un théâtre de l'absurde que d'une véritable résistance militaire. L'AFC/M23, en ordre et en maîtrise, a simplement contourné l'obstacle pour pénétrer au cœur de la cité, sans coup férir.
Ce basculement n'est pas anodin. Shabunda constitue une pièce stratégique dans l'échiquier militaire de l'Est congolais, par sa profondeur territoriale, ses ressources et sa valeur logistique. Son occupation ouvre aux forces de l'AFC/M23 un corridor supplémentaire qui pourrait, à terme, redessiner la carte des équilibres militaires dans le Sud-Kivu.
La question qui se pose désormais est celle de la capacité ou plutôt de l'incapacité de Kinshasa et de ses alliés à enrayer une dynamique militaire dont ils semblent avoir perdu la lecture et la maîtrise. Plus qu'une défaite militaire, la prise de Shabunda illustre la faillite stratégique d'un appareil sécuritaire morcelé, incapable d'anticiper et d'unifier ses forces.
L'histoire retiendra peut-être ce moment non comme une surprise, mais comme une étape supplémentaire dans une lente et inexorable débâcle. Pendant que la coalition tâtonne, l'AFC/M23 avance avec la précision d'une force qui sait où elle va, et comment elle entend y parvenir. La suite, à n'en pas douter, se jouera bien au-delà de Shabunda. Mais c'est ici que le déséquilibre s'est, une fois de plus, creusé.
Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Shabunda-aux-mains-de-l-AFC-M23.html
