
Cet événement survenait seulement quatre jours après que le Front patriotique rwandais (FPR-Inkotanyi) et sa branche armée, l'Armée patriotique rwandaise (APR), eurent lancé leur lutte armée pour libérer le pays.
C'était un moment particulièrement tendu pour le président Juvénal Habyarimana. Lorsque le FPR attaqua la frontière de Kagitumba, Habyarimana se trouvait à New York pour assister à l'Assemblée générale des Nations unies. Il regagna Kigali en urgence, alarmé par la situation.
À cette époque, l'armée gouvernementale, les ex-FAR, était encore petite et inexpérimentée : elle comptait moins de 5 000 soldats qui n'avaient jamais connu de véritable combat, son équipement militaire étant limité et obsolète.
Alarmé par l'attaque de Kagitumba, Habyarimana se tourna vers ses alliés, notamment le président zaïrois Mobutu Sese Seko et le président français François Mitterrand. La France réagit rapidement, acceptant d'envoyer des troupes d'élite réputées pour leurs interventions dans des combats à haut risque.
Une unité spéciale française composée de 300 commandos fut choisie. Selon John Burton Kegel dans son ouvrage " The Liberation Struggle : War and Militarism in African History ", la décision de déployer ces troupes fut prise le 3 octobre. Deux avions militaires furent préparés pour les transporter de la France à Kigali.
Cette intervention reçut le nom " d'opération Noroît ", la mission française destinée à protéger le régime d'Habyarimana.
L'unité en question était déjà célèbre au sein de l'armée française, pour avoir mené la 'mission de Kolwezi' au Congo en 1978.
Le premier avion décolla dans la nuit du 4 octobre 1990, à 3 h du matin, suivi d'un second à 5 h 45. Tous deux firent d'abord escale à Bangui, en République centrafricaine, où la France disposait d'une base militaire.
Selon Kegel, les avions C-160 Transall quittèrent Bangui dans l'après-midi du 4 octobre, en direction de Kigali.
Toutefois, il est rapporté que ces soldats d'élite étaient nerveux. Ils craignaient que l'aéroport international de Kigali ne soit pas sûr et s'équipèrent de parachutes, prêts à sauter en cas d'attaque. Ceci-dit, les instructeurs français déjà présents au Rwanda les rassurèrent : l'aéroport de Kanombe était sécurisé malgré les tirs entendus durant la nuit.
Lorsque le premier avion approcha de l'espace aérien rwandais, les officiers français au sol confirmèrent que la situation était calme, rendant l'usage des parachutes inutile. Les commandos atterrirent à Kigali vers 18 h 45 et furent informés que les forces de l'APR se trouvaient à environ 170 kilomètres, bien plus loin que ce que laissaient entendre les rumeurs.
Le gouvernement Habyarimana avait délibérément tiré des coups de feu nourris dans la capitale dans le but de semer la panique, diffuser de fausses informations sur une attaque de l'APR contre Kigali et justifier des arrestations massives de civils tutsi, accusés de collaborer avec les rebelles. Des historiens comme Bernard Lugan soulignent que les soldats des FAR eux-mêmes paniquèrent cette nuit-là, tirant au hasard et provoquant le chaos.
Il y eut également une tentative de renversement d'Habyarimana.
L'ancien ambassadeur de Belgique au Rwanda, Johan Swinnen, révéla plus tard que certains soldats des FAR avaient tenté de réaliser un coup d'État cette nuit-là. Selon Swinnen, l'ambassade des États-Unis avait été avertie au préalable qu'un événement inhabituel pourrait survenir.
Les forces françaises restèrent au Rwanda
Les troupes françaises ne se contentèrent pas de protéger Habyarimana. Elles commencèrent à former les FAR, fournissant armes et logistique, et transportant même des soldats par hélicoptère. Elles contribuèrent à mettre en place des systèmes de renseignement et de sécurité qui consolidèrent le pouvoir d'Habyarimana, tandis que les tensions politiques et la persécution à l'encontre des Tutsi s'intensifiaient.
Grâce au soutien français, les effectifs des FAR augmentèrent considérablement, passant d'environ 5 000 soldats en octobre 1990 à près de 20 000 à la fin de l'année.
Après les Accords de paix d'Arusha de 1993, la France retira une grande partie de ses forces mais laissa sur place des conseillers militaires ainsi que la garde personnelle d'Habyarimana.
Lorsque le génocide contre les Tutsi éclata en avril 1994 après la mort d'Habyarimana, la France lança l'opération Turquoise en juin. Cette mission est souvent critiquée pour avoir protégé des membres du gouvernement intérimaire et des responsables militaires ayant organisé les massacres, leur permettant de fuir au Zaïre (aujourd'hui République démocratique du Congo) et de se préparer à contre-attaquer.
La présence des troupes françaises au Rwanda de 1990 à 1994, y compris leur rôle dans la formation et l'armement de milices telles que les Interahamwe, reste une partie très débattue et douloureuse de l'histoire moderne du Rwanda.








IGIHE
Source : https://fr.igihe.com/Operation-Noroit-le-jour-ou-la-France-depecha-des-forces-speciales-pour.html