
Ce geste, que ses partisans voudraient faire passer pour une ouverture à la paix, apparaît en réalité moins comme une conversion sincère que comme une manuvre de survie politique. Il traduit moins la volonté de s'attaquer aux racines du conflit que celle de contourner les vérités inconfortables qui minent l'État congolais de l'intérieur.
Car la crise qui ravage l'Est de la République démocratique du Congo n'est pas un accident conjoncturel imputable à un ennemi extérieur commode. Elle plonge ses racines dans les dysfonctionnements chroniques d'un État structurellement affaibli : gouvernance déliquescente, institutions érodées, armée démotivée, société civile fragmentée et polarisée, élites politiques incapables de dépasser le registre de la surenchère nationaliste pour entrer dans celui de la responsabilité historique.
Feindre d'ignorer ces maux, c'est s'aveugler délibérément sur les véritables moteurs de la violence récurrente.
En contournant ces réalités profondes, le chef de l'État fragilise davantage sa légitimité et ébranle la cohésion de ses propres forces. Ses troupes sur le terrain, déjà éreintées par une guerre mal définie et mal conduite, reçoivent ce brusque virage diplomatique comme un aveu d'échec.
Sa base politique la plus radicale y voit une trahison. Et la scène internationale, lassée de discours martiaux vite contredits par la réalité, constate un affaiblissement supplémentaire de son crédit diplomatique.
La paix véritable ne se décrète pas à coups de poignées de main protocolaires ni ne se quémande à des partenaires extérieurs. Elle ne jaillira ni des chancelleries occidentales ni des tribunes des sommets internationaux. Elle exige un dialogue national franc, inclusif et lucide, seul capable de mettre à nu les causes profondes et structurelles des crises récurrentes.
C'est dans l'espace du débat politique interne, dans l'affrontement des idées et la recherche d'un consensus national solide, que peut se reconstruire une paix véritablement congolaise.
Persister dans la logique des solutions superficielles et des alliances opportunistes reviendrait à repousser l'inévitable et à préparer les convulsions de demain. La paix durable n'est jamais le fruit d'une fuite en avant ; elle naît d'une volonté courageuse de regarder la vérité en face, de revisiter les fondements mêmes de l'État et de rebâtir un contrat social qui engage toutes les composantes de la nation.
Ne pas emprunter cette voie, c'est substituer l'apparence au réel, le pansement à la chirurgie, le calcul politique à la lucidité historique. C'est chercher la paix tout en semant la discorde, comme l'illustre la stigmatisation sélective de figures politiques telles que le Raïs Joseph Kabila pour des griefs infractionnels imaginaires, instrumentalisés à des fins de légitimation interne.
L'heure n'est plus aux illusions commodes ni aux diversions spectaculaires. Elle est au courage politique. À la grandeur d'ouvrir un vrai dialogue national. À la maturité de reconnaître que la paix véritable n'a qu'une seule voie : celle de la vérité partagée, de la responsabilité assumée et de la réconciliation lucide. Toute autre démarche n'est qu'un pis-aller destiné à retarder l'inévitable, non à le résoudre.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/La-paix-veritable-ou-l-illusion-diplomatique-en-RDC.html