De Vichy à Kigali ou L'État comme artificier de l'exclusion et de la persécution #rwanda #RwOT

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Fait majeur, ce texte n'était nullement imposé par une contrainte allemande immédiate, mais émanait de la seule initiative de l'État français, ce qui confère à la mesure une responsabilité historique directe.

Les Juifs furent alors privés de l'accès aux fonctions publiques et aux professions considérées comme stratégiques pour l'identité et le fonctionnement de la nation : presse, radio, cinéma, théâtre, commerce et industrie.

Par cette loi, la citoyenneté se voyait fragmentée, et la communauté juive réduite à un statut de second ordre, selon une définition pseudo-scientifique de la " race juive " qui transformait en principe juridique ce qui n'était qu'une appartenance ethno-religieuse.

Cette marginalisation étatique, orchestrée sous le vernis légal de la " protection nationale ", trouve un écho tragiquement similaire sur un autre continent, à plus de trois décennies de distance, sous le régime du président rwandais Juvénal Habyarimana.

Dans le Rwanda des années Habyarimana, le pouvoir institua un système d'" équilibre ethnique et régional " qui excluait méthodiquement les Tutsi de l'accès à l'éducation, à la fonction publique et à l'armée, piliers fondamentaux de l'ascension sociale et de l'exercice de la citoyenneté.

Comme à Vichy, la loi, ou l'institutionnalisation de normes administratives, devenait l'instrument d'une ségrégation organisée, transformant la minorité ciblée en communauté stigmatisée, reléguée à la marge de l'espace civique et social.

Le parallèle entre Pétain et Habyarimana ne se limite pas à la simple exclusion administrative. Dans les deux contextes, l'État se fait architecte de la persécution et se pare de légitimité en recourant à un langage feutré mais profondément idéologique.

Pétain, en " protégeant la nation " derrière la rhétorique de la " collaboration nécessaire ", légitimait l'ostracisme, préparant de facto le terrain aux persécutions ultérieures.

Habyarimana, quant à lui, en invoquant l'" équilibre ethnique ", érigeait en dogme la supériorité d'un groupe sur un autre, faisant de l'institution étatique l'outil de la répression structurelle. Dans les deux cas, l'État légitime et légalise l'injustice, transformant la discrimination en politique d'État et la marginalisation en norme administrative.

Au-delà des contextes spécifiques, cette comparaison révèle une constante troublante : face à la peur de l'altérité ou au désir de consolider un pouvoir fragilisé, certains régimes choisissent d'instrumentaliser le droit pour fabriquer l'exclusion et préparer, parfois insidieusement, la persécution.

Vichy, en reniant l'héritage de l'émancipation républicaine, et Habyarimana, en bafouant les principes fondamentaux d'équité et d'égalité, illustrent deux variantes d'un même processus : la réduction d'une partie de la population à une identité stigmatisée, privée de droits, et exposée à l'invisibilité sociale et politique.

En définitive, Pétain et Habyarimana, chacun dans son contexte, incarnent l'articulation redoutable entre légalité et oppression. L'un comme l'autre démontrent qu'il n'est jamais nécessaire d'attendre un conflit extérieur ou une contrainte étrangère pour que l'État se transforme en instrument de marginalisation et de persécution.

Dans ces deux expériences historiques, l'exclusion n'est pas un accident, mais un choix politique délibéré, une mécanique consciente de hiérarchisation des populations et de manipulation de la citoyenneté elle-même, dont les conséquences seront tragiquement durables.

Le parallèle entre Pétain et Habyarimana ne se limite pas à la simple exclusion administrative. Dans les deux contextes, l'État se fait architecte de la persécution

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/De-Vichy-a-Kigali-ou-L-Etat-comme-artificier-de-l-exclusion-et-de-la.html

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