
Incapable d'effectuer un aggiornamento et d'interpréter avec discernement les évolutions historiques et géopolitiques, la classe politique belge persiste dans une posture erratique qui révèle à la fois un aveuglement idéologique et une incapacité à se départir des oripeaux du passé colonial.
Cette posture erronée s'est traduite, de façon récurrente, par un harcèlement diplomatique du Rwanda post-génocide, culminant aujourd'hui avec la rupture des relations diplomatiques entre Kigali et Bruxelles. Après la suspension de la coopération bilatérale, à l'initiative du Rwanda, le gouvernement rwandais a procédé à l'expulsion des diplomates belges, une réponse ferme à des ingérences jugées inacceptables.
Face à cette décision, le ministre belge des Affaires étrangères, Maxime Prévot, s'est ému sur les réseaux sociaux, la qualifiant de "disproportionnée". Pourtant, depuis plusieurs semaines, persuadé d'incarner un acteur central sur l'échiquier diplomatique, il a orchestré une campagne hostile visant à infléchir la position de l'Union européenne et des organisations internationales à l'encontre du Rwanda.
Or, cette stratégie d'affrontement réveille des blessures historiques que le gouvernement belge prétendait avoir apaisées lors des excuses officielles présentées en 2000 par le Premier ministre Guy Verhofstadt.
Pour mémoire, c'est la Belgique qui, sous la colonisation, a introduit les mentions ethniques sur les cartes d'identité et cristallisé des catégories raciales artificielles, instaurant une politique discriminatoire qui a empoisonné le tissu social rwandais durant des décennies.
Le revirement brutal de la politique belge en 1959 a déclenché une première vague de "purification ethnique" ciblant les tutsi, causant des milliers de morts et poussant des dizaines de milliers d'exilés vers les pays voisins. Nombre d'entre eux, aujourd'hui adultes, ainsi que leurs descendants portent encore les stigmates de cet exil forcé.
Après le génocide contre les tutsi de 1994, certains cercles politiques, académiques et ecclésiastiques belges ont maintenu des liens avec les auteurs du génocide et leurs héritiers, contribuant à une lecture biaisée et révisionniste des faits.
Que le gouvernement belge d'aujourd'hui feigne d'ignorer ces réalités relève soit de la désinvolture, soit d'une irresponsabilité inexcusable. Cette posture, qui confine à l'imposture, a trouvé son expression la plus outrancée dans la récente résolution adoptée à l'unanimité par le Parlement belge.
Ce texte, d'une agressivité inédite à l'égard du Rwanda, préconise la suspension des accords économiques et de l'aide belge, tout en accusant Kigali d'être une "menace pour la stabilité régionale". Une assertion non seulement infondée, mais qui témoigne d'une méconnaissance abyssale des dynamiques à l'uvre à l'Est de la RDC et dans l'ensemble de la région.
De la mise en place d'artifices coloniaux destinés à fracturer la société rwandaise aux manuvres diplomatiques actuelles, la Belgique persiste dans une logique de déstabilisation. Elle semble incapable de tirer les leçons de ses responsabilités passées et oscille entre l'aveuglement et la subversion.
A l'heure où les rapports de force mondiaux se recomposent et où le Rwanda s'impose comme un acteur incontournable du continent africain, Bruxelles s'enferme dans une posture réactionnaire qui réduit son influence à peau de chagrin.
L'histoire jugera sévèrement cette myopie stratégique. Mais une certitude demeure : en choisissant l'affrontement plutôt que l'apaisement, la Belgique se place irrévocablement du mauvais côté de l'Histoire.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/La-Belgique-a-contre-courant-de-l-histoire-dans-une-posture-anachronique.html