
Le discours du président angolais João Lourenço, à l'aube de son mandat à la tête de l'Union africaine, met en exergue une approche fondée sur la primauté du dialogue dans la résolution du conflit en République démocratique du Congo (RDC). Son plaidoyer en faveur d'une médiation renouvelée, et son rappel des enseignements historiques issus de la propre trajectoire angolaise, invitent à une réflexion approfondie sur les dynamiques de pacification dans un contexte de conflits intra-étatiques et régionaux.
La centralité du dialogue dans la pacification des conflits intra-étatiques
Lourenço s'inscrit dans une tradition diplomatique qui privilégie la négociation comme instrument de gestion des conflits. Cette approche repose sur un postulat fondamental : l'incapacité des solutions purement militaires à générer une paix durable. En ce sens, il rejoint les théories contemporaines de la résolution des conflits, notamment celles développées par Johan Galtung, selon lesquelles une paix positive c'est-à-dire une cessation durable des hostilités accompagnée d'une transformation structurelle des causes profondes du conflit ne saurait être atteinte par la seule coercition.
Dans le cas de la RDC, cette posture s'oppose aux stratégies jusqu'alors privilégiées par Kinshasa, souvent enclines à la militarisation du différend opposant le régime de Félix Tshisekedi à l'AFC/M23, ainsi qu'aux tensions récurrentes avec le Rwanda.
La proposition de Lourenço vise ainsi à insuffler une dynamique inclusive qui transcende les logiques de confrontation pour embrasser une démarche de réconciliation.
Le précédent angolais : un paradigme applicable ?
L'invocation par Lourenço de l'expérience angolaise en matière de résolution de conflits constitue un argument de légitimation de son approche. L'Angola, marqué par une guerre civile ayant opposé le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) et l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA) sur plusieurs décennies, n'a trouvé une issue pacifique qu'au prix d'un dialogue élargi, englobant des acteurs longtemps considérés comme irréconciliables.
L'épisode des accords de New York de 1988, ayant abouti au retrait des forces sud-africaines d'Angola et à l'indépendance de la Namibie, illustre la capacité de la diplomatie à surmonter des antagonismes apparemment inextricables. De même, l'ouverture de négociations directes entre le gouvernement angolais et l'UNITA après des années de guerre civile constitue un précédent susceptible d'inspirer la gestion du conflit congolais.
Toutefois, bien que cet exemple historique offre des enseignements précieux, il convient de souligner les spécificités du contexte congolais, marqué par une fragmentation extrême des acteurs du conflit et une imbrication profonde des enjeux régionaux.
À ce titre, la transposition mécanique du modèle angolais présente des limites qu'une médiation efficace devra nécessairement intégrer.
Les enjeux régionaux et la reconfiguration de la médiation
L'annonce de Lourenço concernant la nécessité de céder la médiation à un autre chef d'État s'inscrit dans une dynamique de repositionnement diplomatique. Cette décision témoigne à la fois d'une reconnaissance des difficultés inhérentes à la conduite du processus en cours et d'une volonté d'assurer la continuité des efforts engagés sous une nouvelle impulsion.
Sur le plan stratégique, cette transition de la médiation pourrait contribuer à dissiper certaines réticences exprimées par les parties prenantes. Kinshasa et Kigali, engagés dans une confrontation aux ramifications emailées , pourraient voir d'un il favorable l'émergence d'un nouvel acteur moins impliqué dans la dynamique régionale, susceptible d'incarner une neutralité plus manifeste.
Par ailleurs, cette évolution interroge les perspectives d'une médiation multilatérale impliquant les instances régionales et continentales. L'Union africaine, en sa qualité d'institution supranationale, pourrait jouer un rôle accru dans la structuration des discussions, à condition toutefois d'assurer une représentativité équilibrée des intérêts en présence.
Le positionnement de João Lourenço illustre une volonté affirmée de privilégier une issue négociée au conflit en RDC, en s'appuyant sur l'expérience angolaise et sur les principes de la diplomatie régionale.
Toutefois, la complexité du contexte congolais, caractérisé par une pluralité d'acteurs et des tensions internes et géopolitiques marquées, requiert une approche adaptée, conciliant la mémoire des succès passés et les exigences d'un dialogue contextuellement pertinent.
La reconfiguration annoncée de la médiation ouvre ainsi un nouvel horizon dont la réussite dépendra de la capacité des parties prenantes à s'engager avec sincérité dans un processus inclusif et constructif.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Le-processus-de-Luanda-change-de-main.html