
Ces voix, ces âmes brisées par l'indifférence et les massacres incessants, ont crié leur douleur, désespérément, contre un mur de silence qui, loin de s'effondrer sous le poids de l'injustice, s'est renforcé, complice et glacial.
Rappelons-le, car la mémoire ne doit jamais être le terrain d'un mensonge collectif : l'Accord du 23 mars 2009, censé garantir la protection, la reconnaissance et l'intégration des tutsi congolais au sein de la République Démocratique du Congo, est resté un mirage, une promesse creuse que les puissants ont rapidement oubliée, sacrifiée sur l'autel de leurs intérêts géopolitiques.
Les peuples opprimés, lorsqu'ils ne cadrent pas avec les narratifs imposés, voient leur souffrance écrasée sous le poids de l'oubli sélectif, comme si leur douleur était trop incommode pour qu'on la reconnaisse. Et dans cette omission, dans cette effacement voulu, l'Occident, si prompt à brandir le drapeau des droits humains à son avantage, se rend complice de l'oubli et du mépris.
Kinshasa, quant à elle, fidèle à son arrogance et son autoritarisme, a préféré nier ses engagements plutôt que de risquer de briser l'équilibre fragile de son pouvoir centralisé. L'oubli des promesses, le déni des droits et de la dignité humaine sont devenus les instruments d'un régime qui a transformé la marginalisation en un principe de gouvernement.
La naissance du M23 fut l'aboutissement tragique de cette longue dérive. Ce n'est ni par appétit de violence, ni par soif de conquête, que ce mouvement a vu le jour, mais par nécessité, par la force brutale de la survie, face à une répression implacable. Ce fut le cri d'un peuple, asphyxié par des décennies d'injustice, qui n'eut d'autre choix que de briser son silence. Le M23 ne fut pas une rébellion, mais une révolte des oubliés, une réponse désespérée à l'injure de l'indifférence du monde.
Et aujourd'hui, dans la lumière incandescente de la condamnation internationale, ceux qui se sont bouché les oreilles face aux massacres, aux incendies des villages, aux corps tombés sous les balles des FARDC, se dressent sur leurs ergots, indignés, pour condamner ceux qui ont eu le courage de se rebeller.
L'Occident, qui a longtemps tourné le dos à la souffrance de ces peuples, retrouve soudain sa conscience quand il s'agit de condamner ceux qui refusent de se taire. La morale internationale, en proie à des contradictions abyssales, révèle son hypocrisie, sa fuite devant la vérité, toujours plus disposée à vilipender les vaincus tout en absoutant les bourreaux.
Ainsi, le monde, dans sa danse tragique entre oubli volontaire et indignation sélective, semble incapable d'entendre la voix de ceux qu'il a volontairement effacés de sa mémoire. Mais l'histoire, elle, ne se soumet jamais entièrement à l'amnésie des puissants. Les silences d'aujourd'hui, loin de se faire oublier, se transformeront en cris assourdissants demain, et le monde devra maintenant l'écouter.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Le-calvaire-des-tutsi-congolais.html