
Âgé de 14 ans au moment des faits, il séjournait parfois dans le secteur de Tumba, à Butare, chez sa tante, non loin de la résidence du Dr Munyemana. Il a raconté que le 20 avril 1994, lorsque le génocide contre les Tutsi a éclaté, les Interahamwe et d'anciens militaires des FAR ont capturé sa famille et d'autres Tutsi, les conduisant près de la maison de Pauline Nyiramasuhuko, alors membre du gouvernement. Selon lui, Nyiramasuhuko aurait ordonné, trois jours plus tard, d'éloigner cette " saleté " de sa maison, entraînant le massacre de certains et le viol de femmes et de jeunes filles.
Le témoin a expliqué comment lui, son jeune frère et d'autres enfants avaient réussi à s'échapper des bureaux de la préfecture de Butare. Toutefois, son frère fut tué au niveau de l'Hôtel Faucon. Les survivants ont poursuivi leur fuite jusqu'à la forêt de Kabutare, se cachant sous la pluie battante. " Il pleuvait abondamment et nous étions affamés. Il était difficile de trouver un chemin pour s'échapper. Mes proches avaient été tués, et partout il y avait des barrières ", a-t-il relaté.
Pendant la nuit, il a tenté de rejoindre Tumba en passant par la forêt de l'université et les marais, malgré les barrières et la pluie. Arrivé vers trois heures du matin, il a trouvé de nombreux Tutsi contraints de rester assis près d'une barrière, tandis que lui et d'autres furent conduits aux bureaux du secteur, où ils ont retrouvé d'autres Tutsi détenus.
Le témoin a ensuite décrit comment il avait survécu en se cachant dans une forêt près de la route menant à Kanyaru, où il a rencontré un autre rescapé gravement blessé. Ensemble, ils se sont rendus chez un homme qui les a cachés dans le 'plat-fond' de sa maison, leur offrant protection et soutien jusqu'à l'arrivée du FPR, qui les a libérés.
Parmi sa famille, de nombreux proches â" sa mère, ses tantes, son cousin â" ont été tués. " Après le génocide contre les Tutsi, je me suis retrouvé seul avec ma petite sur. J'avais peur de m'occuper d'un enfant, moi qui étais encore jeune. Mais j'ai pris soin d'elle. Aujourd'hui, elle est mariée et a deux enfants ", a raconté le témoin.
Il a également exprimé son étonnement face au rôle de Dr Munyemana : " Voir ce médecin ôter des vies alors qu'il aurait dû en sauver m'a profondément choqué. Je n'ai jamais vu ce médecin donner des soins ou de la nourriture aux détenus. "
C'était la première fois que ce témoin comparait dans le dossier de Munyemana, expliquant aux avocats que sa résidence actuelle dans le district de Gisagara, loin des lieux des massacres en question expliquait qu'il n'avait pas été convoqué plus tôt. " Même dans cent ans, nous continuerons à raconter notre histoire et ce que nous avons vécu ", a-t-il affirmé.
En décembre 2023, le Tribunal criminel de Paris avait reconnu Dr Munyemana coupable de génocide, de crimes contre l'humanité et de viols, le condamnant à 24 ans de prison, alors qu'il plaidait pour être déclaré innocent. Le procès en appel, commencé le 16 septembre 2025, devrait se clore le 24 octobre.


IGIHE
Source : https://fr.igihe.com/Proces-en-appel-de-Sosthene-Munyemana-un-temoin-raconte-sa-fuite-et-les.html