Le retour des réfugiés au Kivu #rwanda #RwOT

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L'exil, loin d'être une aventure ou une échappatoire, est avant tout une dépossession radicale, un déracinement qui impose de vivre hors de chez soi et loin de soi. La vie en exil, loin d'être douce, interpelle sur le dénuement, la nostalgie et la dislocation des liens affectifs et sociaux.

Cette problématique prend une acuité particulière dans le contexte congolais. La question du retour des réfugiés se trouve au cœur des discussions de paix entre le gouvernement de la République démocratique du Congo et AFC/M23, ainsi que dans les négociations bilatérales avec le Rwanda. Elle figure parmi les sept points essentiels de la déclaration de principe publiée le 19 juillet, censée ouvrir la voie à un accord durable.

Les parties prenantes s'y engagent à faciliter un retour sûr, volontaire et digne des réfugiés et des personnes déplacées vers leurs zones d'origine.

Le défi premier demeure la quantification précise de ces populations. Selon les estimations les plus récentes, le Rwanda héberge près de 137 000 réfugiés, originaires principalement de la RDC et du Burundi, dont environ 80 000 Congolais selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Toutefois, pour Kinshasa, l'enjeu de l'identification reste entier : le gouvernement congolais souligne son incapacité à connaître avec exactitude le nombre et l'identité des réfugiés présents sur le territoire rwandais.

Par ailleurs, les conditions matérielles et administratives du rapatriement demeurent encore largement insuffisantes. Le comité chargé de préparer ces retours n'a pas été constitué et le rapatriement vers des zones encore en proie au conflit reste, pour l'heure, impossible.

Kinshasa insiste : le retour des réfugiés dans les territoires sous contrôle de l'AFC/M23 ne pourra intervenir qu'après l'instauration d'un cessez-le-feu effectif, la restauration de l'autorité de l'État et la vérification rigoureuse de la nationalité des candidats au retour.

Ainsi, la question du retour est loin d'être résolue. Elle soulève des interrogations d'ordre pratique et humanitaire : à quel moment ces populations pourront-elles regagner leur foyer ? Où seront-elles réinstallées ? Ces interrogations démontrent, selon de nombreux experts, que la résolution du seul volet sécuritaire ne saurait suffire ; un accord véritable et durable doit englober simultanément les dimensions sociales, foncières et économiques.

Les paradoxes de l'exil et du retour

L'exil, expérience radicale et souvent traumatique, révèle un paradoxe intrinsèque : quitter son pays pour survivre ne libère pas du poids du passé, il le magnifie. L'exilé demeure enchaîné à sa mémoire, à l'absence des siens et aux traces intangibles de son pays d'origine. Il vit dans l'entre-deux : ni pleinement chez lui, ni totalement étranger, oscillant entre nostalgie et adaptation forcée. L'exil transforme l'espace familier en utopie perdue et la liberté en nécessité contrainte.

Le retour, lorsqu'il devient possible, ne résout pas cette tension. Revenir chez soi implique de retrouver des lieux et des visages parfois transformés, mais aussi de négocier un nouveau rapport à soi-même, à ses souvenirs et à son identité. Le pays natal peut apparaître étranger, les lieux intimes porteurs d'un décalage douloureux. Le retour, en dépit de sa dimension symbolique et réparatrice, se heurte à des réalités politiques, sociales et économiques qui peuvent contrecarrer l'élan sentimental et moral de l'exilé.

Ainsi, l'exil et le retour constituent une dialectique complexe : le départ est une dépossession forcée, le retour une réappropriation partielle, toujours fragile et conditionnée par le contexte extérieur. Les négociations pour le rapatriement des réfugiés congolais illustrent parfaitement cette tension : elles mettent en lumière l'interdépendance entre sécurité, justice sociale et reconnaissance identitaire. Elles révèlent aussi l'extrême difficulté de concilier mémoire, droits et survie dans un environnement marqué par le conflit et la fragilité institutionnelle.

En définitive, l'exil et le retour dépassent le simple déplacement géographique : ils engagent la profondeur de l'existence humaine, la continuité du lien social et la reconquête de la dignité. Ils interrogent notre capacité collective à restaurer non seulement des foyers et des terres, mais aussi l'intégrité des vies fracturées par l'histoire et la violence.

Le Rwanda accueille environ 137 000 réfugiés, principalement de RDC et du Burundi, dont 80 000 Congolais selon le HCR

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Le-retour-des-refugies-au-Kivu.html

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