
Jamais, peut-être, un pays n'aura incarné avec autant d'éclat la disjonction entre la richesse potentielle de son sol et l'abîme socio-économique dans lequel sombre sa population. Tandis que 85,3 % des citoyens survivent avec moins de trois dollars par jour, chiffre qui propulse le pays au rang de premier au monde en matière de pauvreté extrême, selon le rapport de Banque mondiale.
Les élites au pouvoir se livrent, elles, à une gabegie sans vergogne, érigée en mode de gouvernance.
La scène politique congolaise ressemble désormais à une tragédie d'une indécence inouïe : la Première ministre, Judith Suminwa, perçoit chaque mois la somme faramineuse de 500 000 dollars américains, à laquelle s'ajoute une kyrielle d'avantages aussi opaques que démesurés.
Un député, quant à lui, émarge à 31 000 dollars par mois hors indemnités. Des montants dignes des annales du Guinness des records, qui insultent littéralement la misère criante des millions de Congolais condamnés à une existence de survie.
Cette obscénité salariale ne serait qu'un détail s'il ne s'accompagnait pas d'un mépris aussi ostentatoire pour les règles élémentaires de bonne gouvernance. La présidence de la République s'illustre ainsi par des dépassements budgétaires de plus de 300 % en un seul trimestre, comme si les deniers publics constituaient une caisse personnelle et inépuisable au service de l'arbitraire.
Dans le même temps, le gouvernement affiche avec aplomb un budget annuel de 16 milliards de dollars, tout en laissant se déliter les infrastructures publiques, s'effondrer les services sociaux de base et se gangrener l'administration.
Ce hiatus abyssal entre l'opulence insolente des élites et la détresse quotidienne du peuple traduit moins une simple négligence qu'une véritable désinvolture dans la conduite des affaires de l'État. C'est une inconscience politique d'une rare témérité, qui confine à la folie collective : celle d'une classe dirigeante qui se croit à l'abri des conséquences historiques de ses excès, et d'un État qui, au lieu d'être le garant du bien commun, s'est mué en une machine à fabriquer de l'injustice et à reproduire la misère.
Dans une démocratie digne de ce nom, de tels écarts relèveraient d'un scandale national et déclencheraient une crise de régime.
En RDC, ils sont devenus la norme comme si l'absurde avait triomphé de la raison, et la prédation de l'intérêt général. C'est là le drame d'un pays riche, mais livré aux convulsions d'une élite inconsciente, indifférente à la souffrance des masses qu'elle est pourtant censée représenter.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/La-pauperisation-en-vogue-en-RDC.html