Le monologue du patriote #rwanda #RwOT

webrwanda
0

Il y a trente ans, je voyais les ruisseaux et les rivières du Rwanda charrier, vers des lacs, des corps mutilés d'hommes, de femmes, de jeunes gens, d'enfants, de bébés, de vieillards et de vieilles qui avaient été massacrés pour être nés tutsi !

II y a trente ans, je voyais des soldats enragés et des miliciens en furie lancer des grenades sur des fugitifs entassés dans des écoles, dans des églises, dans des bureaux communaux, dans des hôpitaux. Il y a trente ans, tout mon pays était à feu et à sang à cause de la folie meurtrière des gens qui voulaient faire du Rwanda leur propriété exclusive.

Il y a trente ans, je voyais mon pays sombrer dans les ténèbres de la barbarie. Il y a trente ans, je voyais le Rwanda disparaître sous ses décombres. Le beau pays des mille collines se vidait jour après jour de sa sève nourricière. J'ai cru un moment que toute vie allait être rayée de cette terre que nos aïeux appelaient " Rwanda Rugari Rwa Gasabo ". J'ai cru un moment que mon pays bien-aimé allait s'effacer de la carte du monde et j'ai pleuré. Oui ! J'ai pleuré. J'ai tellement pleuré que les larmes ont tari dans mes yeux et mon regard éperdu s'est perdu dans l'immensité du néant. Et mon cœur qui jadis était tendre était devenu comme un roc. Je ne sentais plus rien. J'étais totalement abasourdi par la cruauté des Forces génocidaires.

Pour la première fois, je voyais s'illustrer par des atrocités au-delà de toute imagination, la célèbre locution latine " Homo homini lupus est " (L'homme est un loup pour l'homme). J'ai eu honte.

Oui ! Honte d'appartenir à cette terre d'Afrique parce que partout où je passais, au regard de ce qui se passait dans mon pays, les gens disaient que les Africains étaient des sauvages, des barbares. Ils avaient oublié, cela soit dit en passant, la barbarie des Nazis et des " Einsatzgruppen " sous le Troisième Reich ! J'ai eu honte. Oui ! J'ai eu honte d'appartenir à ce pays qui, quand on l'évoquait, faisait frémir plus d'un. J'ai eu honte d'être rwandais et j'ai changé de nom. Je ne voulais plus porter ce nom qui, par ses sonorités, me rappelait que j'étais rwandais. Alors, je l'ai enterré. Oui ! Je l'ai enterré au plus profond de mon subconscient et avec lui, mon pays et mon peuple, bref mon identité.

Je me suis créé une autre identité. Je me suis inventé une autre patrie, une autre origine. Mais au fond de moi, quand j'étais seul ou quand je me regardais dans le miroir, je sentais que j'étais faux, que je mentais, que je trichais. Et je sentais un malaise qui dérangeait tout mon être. Et une voix intérieure ne cessait de me dire : " Assume ton histoire, si horrible, si douloureuse soit-elle ! Assume ton identité ! " J'ai décidé alors d'accepter mon pays, mon peuple, mes origines.

En d'autres termes, j'ai décidé de m'accepter tel que j'étais. Alors, j'ai assumé stoïquement les qualificatifs de cruel, de barbare et de sauvage que l'on collait à mon nom, à mon pays, à mon peuple. A ceux qui me demandaient d'où je venais je leur répondais sans honte aucune et en les regardant dans les yeux " Je viens du Rwanda. Oui ! Du Rwanda ! " Et les gens écarquillaient les yeux et me demandaient illico : " Comment en êtes-vous arrivés là ? " Et moi je me mettais à expliquer l'inexplicable. Et certains de mes interlocuteurs étaient plus ou moins convaincus.

D'autres ne l'étaient pas du tout. Et pour cause, les atrocités commises dans mon pays étaient au-delà de toute explication.

Mais depuis trente ans, les patriotes essaient de panser les blessures physiques et morales de mon peuple. Depuis trente ans, le pays se remet obstinément sur les rails du progrès et du vivre ensemble pacifique. Le sourire est revenu sur mes lèvres et maintenant je n'ai plus honte de dire que je suis rwandais, que je viens du Rwanda. Parce que ce beau petit pays est maintenant la fierté de beaucoup de ses enfants. Dans les affres du passé le peuple du Rwanda a puisé l'énergie nécessaire pour bâtir des lendemains meilleurs.

Les patriotes ont juré de tout faire pour que leur beau pays ne sombre plus jamais dans les ténèbres de la barbarie. Et tous les enfants de Gihanga soucieux d'un avenir radieux de leur pays sont décidés à se tenir la main dans la main pour que ce dernier ne soit plus saigné à blanc, pour que le " Plus jamais ça " ne soit pas lettre morte. " Loin du Rwanda les semeurs de zizanie et les pêcheurs en eau trouble ! " Telle est la devise gravée en lettres d'or dans les cœurs des patriotes. Mon petit et grand Rwanda que le monde entier croyait mort, le voilà qui, comme le phénix de la légende, est re-né de ses cendres

Le patriote

Ce texte que j'ai extrait d'un de mes écrits sur le génocide des Tutsi du Rwanda m'est venu en mémoire au regard des évènements qui se déroulent actuellement à l'est de la République Démocratique du Congo ; évènements qu'il faudrait appréhender en amont et non en aval.

En effet, cette crise sociopolitique qui secoue le régime du Président Félix-Antoine Tshisekedi est le fruit de l'idéologie raciste essentiellement anti-tutsi exportée dans son pays par les Forces génocidaires du Rwanda (miliciens Interahamwe du MRND, Impuzamugambi de la CDR et les Ex-Forces Armées Rwandaises) après leur défaite face aux Forces du Front Patriotique Rwandais en juillet 1994.Et les victimes sont les populations rwandophones tutsi qui sont devenues congolaises après la Conférence de Berlin du 15 novembre 1884 au26 février 1885 mais qui habitent depuis des siècles et des siècles sur la terre devenue le Congo après ladite conférence.

Et quand la communauté internationale dit à leurs fils qui ont pris les armes pour une auto-défense légitime de se retirer, il y a lieu de se demander où elle veut qu' ils se retirent. " Au Rwanda ", dit- elle ! Mais ce ne sont pas des Rwandais, ce sont des Congolais qui parlent le kinyarwanda. Mais les régimes qui se sont succédé au pouvoir au Congo ont toujours discriminé ces Congolais rwandophones en les prenant pour des Rwandais.

Fustigeant ceux qui voulaient et veulent encore aujourd'hui que ces Congolais rwandophones quittent le Congo pour le Rwanda parce qu'ils ont des affinités ethniques ou linguistiques avec les Rwandais, MwalimuJulius Nyerere, ancien président de la Tanzanie posait ces questions : " Devrais-je refouler les Massai de Tanzanie vers le Kenya parce que dans ce pays il y a des Massai ? De même, le Kenya devrait-il dire aux Massai du Kenya d'aller vivre chez eux en Tanzanie parce qu'il y a des Massai en Tanzanie ? " " Absolument non ! " disait-il. Les Massai du Kenya sont kenyans parce qu' ils sont sur la terre de leurs aïeux. Ceux de Tanzanie sont tanzaniens parce qu'ils sont également sur la terre de leurs aïeux.

C'est la Conférence de Berlin qui a fait qu'une partie des Massai est devenue kenyane et une autre devenue tanzanienne. A cause des frontières artificielles tracées par la Conférence de Berlin, il n' y a pas un seul pays d'Afrique qui ne connaît pas ce phénomène de populations vivant dans deux pays distincts mais qui ont une communauté de langue et de culture. On se demande si ceux qui obstinément veulent assigner une identité rwandaise aux populations congolaises rwandophones le font par méconnaissance de l'histoire ou de mauvaise foi ? Quoi qu'il en soit, il est clair que face aux déboiresmultiformes que connaît le régime de Kinshasa, il faut qu' il y ait un bouc émissaire. Et le Rwanda à bien des égards joue très bien ce rôle !!!!

J'ai maintenant deux questions à poser à ces géants de ce monde qui font preuve d'indifférence exaspérante face au sort tragique de ces populations congolaises rwandophones menacées d'extermination et qui s'acharnent à mettre au pilori mon petit pays le Rwanda pour sa volonté ferme de se défendre contre touteattaque meurtrière : " Devrait-on revoir les frontières issues de la Conférence de Berlin pour que le citoyens banyamulenge et autres populations rwandophones ostracisés au pays de leurs aïeux cessent d' être persécutés ou trucidés ? Serez-vous vraiment fiers de vous si le Rwanda vivait encore ce qu'il a vécu en 1994 ? " Ne me répondez pas, je connais déjà la réponse. Laissez seulement tranquille mon phénix !

Jean-Marie Vianney Rurangwa ; Ecrivain et dramaturge

Jean-Marie Vianney Rurangwa



Source : https://fr.igihe.com/Le-monologue-du-patriote.html

Enregistrer un commentaire

0Commentaires

Enregistrer un commentaire (0)