Une enquête menée par IGIHE révèle qu'un groupe restreint d'une vingtaine de commerçants rwandais a conclu des accords exclusifs avec leurs homologues congolais. Ces accords, appliqués depuis le 15 novembre 2024, imposent des conditions rigides selon lesquelles seuls les produits transportés par véhicules seraient autorisés à franchir la frontière.
Cela a automatiquement exclu les petits commerçants utilisant des vélos ou des motos, réduisant drastiquement leurs opportunités d'affaires.
Ces accords concernent divers produits tels que les tomates, les poulets, et récemment les fruits comme les mangues. En outre, des taxes supplémentaires, telles qu'une taxe de 500 Rwf par sac de fruits, ont été imposées par les partenaires congolais.
Ce système favorise une poignée de commerçants, au détriment de milliers de petits opérateurs.
Des tensions exacerbées par des pratiques discriminatoires
Les petits commerçants rapportent des incidents de discrimination flagrante. Par exemple, un groupe de quatre motos a récemment dû payer 40 000 Frw pour transporter ses produits, avant de se voir refuser l'accès à la RDC. Seuls les camions étaient autorisés à passer.
De plus, certains commerçants rwandais, restés en RDC durant la pandémie de Covid-19, auraient encouragé leurs partenaires congolais à renforcer ce monopole. Ces actions, bien que profitables à une minorité, ont exclu la majorité des acteurs commerciaux et aggravé les tensions transfrontalières.
Face à ces pratiques, les autorités du district de Rubavu ont décidé de réinstaurer une règle fondamentale : tous les produits destinés à l'exportation doivent transiter par des marchés locaux avant d'atteindre la frontière.
Parmi ces marchés figurent Mbugangari (pour les tomates), Rugerero (pour les fruits), Karukogo (pour les volailles), et le marché frontalier partagé entre Rwandais et Congolais.
Cette mesure vise à rétablir l'équité entre les commerçants et à prévenir de nouvelles tentatives de monopole. Cependant, elle a rencontré une résistance farouche de la part des grands commerçants. Certains ont propagé des rumeurs, affirmant que le Rwanda aurait interdit l'exportation vers la RDC, alimentant ainsi une confusion sur les véritables causes du blocage.
Le commerce transfrontalier entre le Rwanda et la RDC représente une source majeure de revenus. En janvier 2024, les exportations rwandaises vers la RDC ont atteint 17,42 millions de dollars, faisant de la RDC le deuxième plus grand marché d'exportation du Rwanda.
Plus de 15 000 personnes franchissent quotidiennement la frontière pour des activités commerciales, et une interruption prolongée pourrait avoir des conséquences désastreuses pour ces économies interdépendantes.
Des appels à la transparence et à l'inclusion
Les petits commerçants, regroupés en 47 associations, appellent à une révision des accords et à une plus grande transparence. " Nous demandons que chaque commerçant soit jugé selon ses capacités. Ces accords ont été établis par et pour les grands commerçants. Nous, les petits, devons également avoir notre place ", a déclaré un commerçant affecté.
D'apres nos informations, le gouvernement rwandais, conscient de l'impact de cette situation, suit l'affaire de près. Les acteurs accusés de pratiques anticoncurrentielles seront convoqués, et des sanctions seront appliquées en cas de violations des lois en vigueur.
Cette crise met en lumière la nécessité d'une collaboration inclusive entre le Rwanda et la RDC. Seul un commerce transfrontalier équitable et harmonieux permettra de maintenir une dynamique bénéfique pour toutes les parties, renforçant ainsi les liens économiques et sociaux entre les deux pays.
Alain Bertrand Tunezerwe