Vérité brouillée en RDC #rwanda #RwOT

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D'un côté, le député national Willy Mishiki, président du conseil d'administration des Wazalendo, affirme sans ambages que ces derniers sont déjà présents dans la ville d'Uvira et que " ces gens ont quitté la ville ".

De l'autre, le ministre de la Communication, Patrick Muyaya, soutient que les éléments de l'AFC/M23 seraient encore présents dans la cité, mais revêtus en tenue civile. Deux versions diamétralement opposées, émises par deux autorités publiques du même État, prétendant éclairer un même événement : l'opinion ne peut qu'y percevoir un trouble manifeste de la parole officielle.

À cela s'ajoute la déclaration du chef de l'État, Félix Tshisekedi, qualifiant le retrait des FARDC d'Uvira de " choix " qui ne serait " ni renoncement ni aveu de faiblesse ", mais l'expression d'un attachement constant à la protection des populations.

Or, parallèlement, plus d'une centaine de militaires et policiers ayant quitté la ville par bateau lors de la prise d'Uvira par l'AFC/M23 se voient poursuivis pour abandon de poste et désobéissance en situation de combat, infractions passibles des plus lourdes peines prévues par le droit congolais.

Comment concilier, en un même récit d'État, un retrait présenté comme choix stratégique et des poursuites judiciaires fondées sur l'idée d'une fuite fautive et d'un manquement coupable ?

La contradiction est flagrante : ce qui est loué sur le plan politique est, dans le même temps, pénalisé sur le plan judiciaire. Le discours se scinde, la cohérence se dissout, et l'autorité se fragilise.

État en dissonance

L'empilement de ces déclarations divergentes produit une cacophonie institutionnelle aux effets délétères. Qui dit vrai ? Le député Mishiki, qui proclame le départ de l'AFC/M23 et la prise de contrôle par les Wazalendo ? Le ministre Muyaya, affirmant la présence persistante de l'AFC/M23 infiltrée dans la population civile ? Ou encore le chef de l'État, soutenant que le retrait des FARDC relève d'un calcul protecteur, tandis que la justice militaire criminalise ce même retrait ?

Cette dissonance du discours public nourrit une impression d'improvisation permanente. L'État apparaît comme parlant d'une pluralité de voix discordantes, sans hiérarchie claire ni récit commun. La parole officielle, qui devrait rassurer, stabiliser et orienter, se fait au contraire source d'incertitude.

Or, comme le rappelait le doyen Hauriou, " l'autorité est d'abord une croyance " : quand la parole politique se contredit, c'est la croyance elle-même qui chancelle.

Plus grave encore, la confusion ne se limite pas au registre des mots : elle a des conséquences humaines et juridiques concrètes. Des soldats sont traduits devant la justice pour avoir quitté leur position, tandis que, sur la scène politique, l'on parle de stratégie réfléchie et de choix souverain.

Se dessine alors le visage paradoxal d'un État qui justifie et condamne simultanément un même comportement. À ce titre, la responsabilité politique ne peut être éludée derrière la seule rigueur judiciaire.

Il apparaît, avec une clarté désormais difficile à occulter, que le discours officiel congolais à propos d'Uvira est marqué par une incohérence structurelle.

La juxtaposition de messages contradictoires, la divergence entre la version présidentielle, ministérielle et parlementaire, ainsi que la sévérité judiciaire infligée aux militaires, composent un ensemble où la vérité semble flottante, disputée, insaisissable.

La question ne saurait plus se limiter à savoir qui dit vrai dans ce maelström de déclarations contradictoires. Elle prend une dimension infiniment plus préoccupante : où se situe aujourd'hui la parole crédible de l'État, cette parole qui devrait incarner la cohésion, l'autorité et la vérité ?

Lorsqu'un même État prononce simultanément des messages divergents, louant ici un choix stratégique, dénonçant là un manquement disciplinaire, tandis que d'autres voix politiques avancent des faits radicalement opposés, ce n'est plus seulement la clarté qui vacille, c'est la crédibilité institutionnelle tout entière.

Le citoyen, en proie à la confusion et à l'incertitude, perd toute boussole morale et politique, et l'autorité publique, dépouillée de son pouvoir unificateur, se réduit à un écho dissonant, incapable de se faire entendre comme guide légitime et garant de l'ordre.

Dans un tel contexte, la parole d'État, au lieu d'être un instrument de stabilisation, devient un spectre flottant, où la vérité, la responsabilité et la justice se diluent dans une cacophonie institutionnelle aux conséquences dramatiques.

La question n'est plus seulement : qui dit vrai ? Elle devient plus grave encore : où réside aujourd'hui la parole crédible de l'État ? Tant que cette cacophonie perdurera, la confiance publique se désagrégera, et la nation demeurera privée de ce bien politique fondamental qu'est une vérité commune exprimée avec responsabilité.

Willy Mishiki affirme que les Wazalendo ont quitté Uvira, tandis que Patrick Muyaya soutient qu'ils y sont encore, en civil : deux versions opposées qui révèlent un trouble dans la communication officielle

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Verite-brouillee-en-RDC.html

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