Dans l'éclat éphémère de sa supercherie, cet homme, faux député, faux sénateur, faux prophète, nous invite à plonger au cur d'un drame plus profond : celui d'une nation où les institutions vacillent sous le poids des mensonges et des fausses promesses.
Israël Bongo Lord n'est pas un personnage isolé dans cette fresque désenchantée ; il incarne la porosité des structures, le délitement des idéaux, l'affaissement de l'âme collective.
Ses sièges fictifs à l'Assemblée nationale, à l'assemblée provinciale de Kinshasa, ses fausses interviews, ses bénédictions prophétiques imaginaires ne sont que l'écho d'un vaste silence, celui de la vérité que l'on a longtemps muselée. Comment, dans un pays marqué par tant de souffrances et de luttes, un tel homme a-t-il pu se hisser aux sommets d'un pouvoir qu'il n'a jamais mérité ?
C'est là tout le drame : les institutions congolaises sont des châteaux de sable, prêts à être emportés par la première vague de tromperie.
Sous ce voile de mystifications, la réalité se fait plus poignante. La République Démocratique du Congo, terre de contrastes et de richesses volées, est aussi le théâtre d'une farce sinistre où l'imposture est érigée en mode de gouvernance.
Les figures qui peuplent les ministères, les palais et les parlements sont souvent marquées du sceau de l'indignité, traînant avec elles des chaînes invisibles de condamnations passées. Comme une danse macabre, elles évoluent dans un bal de faux-semblants, un bal où l'impunité est le maître de cérémonie.
L'impunité. Voilà le mot qui résume cette tragédie contemporaine. Il n'est pas seulement question d'un homme qui a trompé ses semblables ; c'est toute une société qui s'est laissée berner, anesthésiée par l'injustice, apathique face à la fraude.
Israël Bongo Lord, dans sa quête insensée de reconnaissance, n'a fait que suivre un chemin tracé par ceux qui, avant lui, ont usurpé leur place, ont menti pour gravir les échelons du pouvoir. Loin d'être puni, il a été accueilli, écouté, glorifié, comme un héros d'une pièce dont le script aurait été écrit par le désespoir.
Mais au-delà de l'individu, c'est la manipulation de l'opinion publique qui nourrit cette danse morbide. Comme un maître illusionniste, Israël Bongo Lord a su charmer, enflammer, captiver un public avide de miracles, un peuple trop souvent trahi. Ses fausses prophéties ne sont que le reflet de promesses plus grandes, plus vastes, prononcées par ceux qui tiennent les rênes de l'État.
Il est l'ombre portée d'une classe dirigeante qui, elle aussi, se drape de faux diplômes, de victoires illusoires, de réformes inexistantes. À travers lui, c'est tout un système d'illusions qui se dévoile, un système où la vérité n'a plus sa place, où la tromperie est couronnée de succès.
Et pourtant, le plus tragique dans cette farce, c'est l'absence de colère, de révolte. La société congolaise, dans sa lassitude, semble avoir abandonné l'espoir d'un sursaut moral. Israël Bongo Lord, malgré ses impostures, n'a pas provoqué l'indignation collective qu'un tel scandale aurait dû soulever.
Le peuple, fatigué par des décennies de tromperies et de déceptions, assiste, presque résigné, à cette parade de faussetés. Ce silence, lourd et pesant, est peut-être le plus grand des échecs : l'incapacité de s'indigner face à l'injustice, l'incapacité de renverser la table et de demander des comptes.
Dans ce décor crépusculaire, l'affaire Israël Bongo Lord se dresse comme une ultime mise en garde. Elle nous rappelle que, sans une réforme profonde, sans un retour à la vérité, la République Démocratique du Congo continuera à être le théâtre de ces tragédies répétées, où l'usurpation et la corruption se mêlent pour créer un spectacle dont personne ne sortira indemne.
Les congolais sont à l'aube d'un choix : persister dans l'illusion ou s'éveiller à la réalité. Mais le temps presse, car chaque jour qui passe renforce un peu plus l'emprise du mensonge sur les institutions, sur les vies, sur les rêves.
L'affaire Israël Bongo Lord est le chant funèbre d'une société en perdition, mais elle peut aussi être le point de départ d'une renaissance. Si seulement les congolais ont le courage de l'entendre, de l'affronter, et enfin, de se révolter.
Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Israel-Bongo-Lord-Miroir-de-la-decheance-politique-en-RDC.html