Pire encore, ceux qui cherchent à exploiter ces failles judiciaires pour des raisons politiques ou idéologiques risquent de porter à jamais l'opprobre d'un héritage marqué par la complicité avec un génocidaire avéré.
Les failles des procédures internationales offrent parfois une issue à des criminels, mais ces failles ne changent rien à la nature abominable des faits.
Les systèmes judiciaires internationaux, censés représenter le sommet de la justice pour les crimes les plus atroces, souffrent d'une série d'incohérences qui permettent à certains accusés d'échapper à la justice. Ces incohérences peuvent être divisées en plusieurs catégories.
L'un des principaux défis des tribunaux internationaux réside dans la lenteur des procédures. Félicien Kabuga, après avoir joué un rôle majeur dans le financement et l'organisation du génocide contre les Tutsi de 1994, a réussi à échapper à la justice pendant plus de deux décennies.
Son arrestation en 2020 a mis en lumière la difficulté pour la communauté internationale de capturer rapidement des fugitifs de haut niveau, souvent grâce à des réseaux bien établis de soutien international et régional. Cette lenteur donne non seulement un sentiment d'impunité aux accusés, mais elle permet également aux partisans de Kabuga de minimiser ses actes en jouant sur le temps écoulé.
Une autre incohérence des procédures internationales réside dans les nombreux recours et vides juridiques que les accusés peuvent exploiter. Les avocats de la défense, y compris ceux de Kabuga, ont utilisés des moyens dilatoires, tels que des appels répétitifs et des contestations de compétence, pour prolonger le processus judiciaire.
Ce type de stratégie juridique, bien que légitime dans les tribunaux de droit, apparaît choquant dans des affaires aussi graves que celles de génocide.
Cette exploitation des failles judiciaires érode la confiance dans le système et retarde la justice pour les victimes et les survivants. Elle illustre à quel point les procédures internationales peuvent parfois sembler être déconnectées de l'impératif moral de rendre justice.
L'un des cas les plus frappants d'incohérence est l'usage de l'état de santé des accusés pour échapper à la condamnation. En 2023, le procès de Kabuga a été suspendu en raison de son état de santé, jugé trop fragile pour supporter les rigueurs d'un procès.
Cependant, la suspension des poursuites pour des raisons de santé pose la question : jusqu'à quel point les considérations humanitaires doivent-elles prendre le pas sur la justice pour des crimes aussi atroces que le génocide ?
Il est moralement incohérent de permettre à un génocidaire d'échapper à la sentence au motif qu'il serait trop âgé ou trop malade pour être jugé, alors que ses victimes n'ont jamais eu la possibilité d'échapper à la violence qu'il a orchestrée.
Si les failles des procédures judiciaires peuvent permettre à un homme comme Kabuga d'échapper à une condamnation définitive, ceux qui exploitent ces faiblesses ou en font la promotion pour des motifs idéologiques ou politiques se trouvent marqués par une complicité morale. Ils perpétuent l'héritage de Kabuga, non pas comme un homme innocent, mais comme un symbole de la manipulation de la justice pour des gains personnels ou politiques.
Il est à craindre que certaines personnes ou groupes cherchent à exploiter ces incohérences judiciaires pour minimiser ou réviser l'histoire du génocide contre les Tutsi. Ceux qui revendiquent l'innocence de Kabuga ou dénoncent les failles procédurales non pour des raisons de justice, mais pour alimenter des théories révisionnistes ou des agendas politiques, portent la responsabilité morale de prolonger l'injustice.
Ils deviennent les héritiers d'un système qui, plutôt que de punir les responsables des pires crimes contre l'humanité, les protège. Cette utilisation cynique des failles judiciaires revient à nier la souffrance des victimes et à excuser l'inexcusable.
Kabuga restera dans l'histoire comme l'un des principaux architectes financiers et idéologiques du génocide contre les Tutsi. Ceux qui chercheront à le protéger ou à justifier son impunité porteront l'héritage de son rôle dans l'une des pires tragédies du XXe siècle.
L'histoire jugera sévèrement non seulement les génocidaires, mais aussi ceux qui, par action ou inaction, auront contribué à ce que justice ne soit pas rendue.
Malgré ces incohérences procédurales et ces tentatives d'exploitation, il est crucial de rappeler que les faits sont immuables. Félicien Kabuga a joué un rôle de premier plan dans l'organisation du génocide contre les Tutsi au Rwanda.
Les preuves à son encontre, telles que son financement des milices Interahamwe, l'exploitation de la RTLM pour inciter à la haine et au meurtre, ainsi que son soutien matériel aux massacres, sont accablantes.
Aucun vice de procédure ne peut effacer ces faits. La suspension d'un procès, même prolongée, ne peut changer la vérité historique : Kabuga et ses complices ont orchestré une violence d'une ampleur inimaginable. Les failles judiciaires ne changent pas la nature des crimes ni la responsabilité morale des auteurs.
Félicien Kabuga illustre les incohérences des procédures judiciaires internationales et les défis que la justice doit relever pour être rendue aux victimes de génocide.
Les failles procédurales permettent parfois à des criminels d'échapper temporairement à leur sentence, mais elles ne changent rien à la réalité accablante de leurs actes. Ceux qui cherchent à exploiter ces faiblesses judiciaires pour des motifs idéologiques ou propagandistes porteront à jamais l'opprobre moral de cet héritage.
L'histoire retiendra Kabuga comme un génocidaire, et quiconque tente de minimiser ou de justifier son rôle dans ces atrocités se verra associé à l'injustice, à la manipulation de la vérité et à la souffrance des victimes du génocide contre les Tutsi.
Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/L-opprobre-en-heritage-de-Kabuga-Felicien.html