
Un forum économique transformé en tribune politique
Au lieu d'un discours sur la gouvernance économique ou la place de l'Afrique dans la mondialisation, Félix Tshisekedi a choisi de relancer le récit d'un Congo victime de son voisin rwandais, accusant Kigali de soutenir les rébellions à l'est du pays.
Ce glissement de thème, que les diplomates qualifient de forum hijacking, traduit un décalage manifeste entre l'objet du sommet et le message politique délivré.
Selon plusieurs observateurs, cette stratégie viserait avant tout à mobiliser l'opinion internationale à des fins domestiques, au moment où Kinshasa peine à juguler la crise sécuritaire interne et à restaurer l'autorité de l'État.
Une 'offre de paix' truffée de contradictions
Le président congolais a ensuite surpris par une mise en scène qualifiée d'" ironie diplomatique " : il a tendu une " main de paix " à son homologue rwandais Paul Kagame, tout en exigeant que Kigali " ordonne " aux rebelles de déposer les armes.
Une telle condition, jugée humiliante et irréaliste, a été perçue comme une tentative de renforcer la thèse selon laquelle le Rwanda contrôlerait les groupes armés à l'est du Congo, une narration simpliste souvent démentie par les faits.
De multiples rapports internationaux â" de l'ONU, de l'International Crisis Group ou de Human Rights Watch â" rappellent que les causes du conflit congolais sont avant tout internes : fragmentation de l'État, corruption, rivalités ethniques et présence des milices FDLR, issues des auteurs du génocide des Tutsi au Rwanda, encore actives au sein de l'armée congolaise (FARDC).
Accuser pour ne pas assumer
Pour nombre d'analystes, cette posture s'inscrit dans une stratégie bien connue à Kinshasa : accuser le voisin pour éviter d'assumer ses propres échecs.
Plutôt que d'affronter les défis structurels du pays â" réforme de l'armée, démilitarisation des milices, lutte contre la corruption â" le président Tshisekedi cherche à exporter ses problèmes sur la scène internationale, au prix d'un embarras diplomatique certain.
Kigali, de son côté, a choisi le silence, fidèle à l'adage selon lequel " la meilleure réponse à l'absurde est de ne pas le commenter ".
L'omission du Burundi : un affront diplomatique
L'épisode le plus révélateur de ce discours demeure sans doute l'omission du Burundi dans les remerciements adressés aux pays alliés.
Alors que le président congolais saluait l'appui militaire de l'Afrique du Sud et de la Tanzanie, il a passé sous silence la participation du Burundi, pourtant l'un des pays ayant déployé le plus grand nombre de troupes et subi les pertes humaines les plus lourdes au Nord-Kivu.
Cette omission, interprétée comme une gifle diplomatique, souligne deux réalités : la fragilité politique du président burundais Évariste Ndayishimiye, dont l'intervention au Congo reste impopulaire, et la vision utilitariste de Kinshasa, qui considère Bujumbura comme un simple exécutant plutôt qu'un partenaire stratégique.
Une faute diplomatique lourde de conséquences
En définitive, cette sortie de Félix Tshisekedi n'aura apporté aucune contribution au débat économique mondial.
Elle restera marquée par une maladresse diplomatique majeure, révélatrice d'un dirigeant en quête de diversion politique plutôt que de solutions durables.
Pour le Burundi, cette séquence devrait servir d'alerte : son engagement militaire au Congo, coûteux en vies humaines, n'est ni reconnu ni respecté par Kinshasa.
Et au-delà du cas burundais, le discours du président congolais rappelle une leçon simple : la diplomatie n'est pas un théâtre de plaintes, mais un exercice de responsabilité et de lucidité.

IGIHE