La République démocratique du Congo en offre aujourd'hui l'illustration la plus caricaturale. " On marche sur la tête ", disait un observateur lucide : l'image paraît faible tant le renversement de la logique y est devenu une norme de gestion.
Dans ce pays aux entrailles regorgeant d'or, de diamant, de cobalt et d'innombrables richesses convoitées, la majorité de la population croupit dans une misère endémique, se nourrissant d'expédients et survivant dans l'indignité.
Pourtant, au sommet de l'État, l'on se glorifie de recevoir du Japon une aide alimentaire de 2,6 millions de dollars, comme si ce geste de charité internationale constituait un trophée diplomatique.
Mais, dans le même mouvement, l'on se permet de dilapider près de 97 millions d'euros pour flatter Monaco, Milan, Barcelone, ou encore de consentir 3 millions de dollars à la Confédération africaine de football pour organiser son assemblée générale dans une capitale étouffée par les embouteillages et le désordre.
Comment ne pas y voir une provocation, une gifle symbolique aux millions de Congolais réduits à la faim et à la débrouille ?
Ce paradoxe n'est pas un accident : il procède d'une logique morbide qui confond prestige ostentatoire et gouvernance effective.
L'ombre des Jeux de la Francophonie, transformés en désastre logistique et en cacophonie nationale, plane encore sur cette obsession de paraître. Rien n'a été retenu de cette humiliation publique, sinon la propension à répéter les mêmes erreurs avec un cynisme désarmant.
Le ministre des finances d'alors, Nicolas Kazadi, ne disait-il pas lui-même, avec une désinvolture glaçante : " Donne d'abord l'argent, on réfléchira plus tard " ?
Aveu terrible, qui résume en une formule la philosophie d'un État qui a inversé la hiérarchie des priorités, sacrifiant le nécessaire au futile, la survie de la population à l'ivresse des apparences.
Ce " maboulisme ", pour reprendre un mot juste, n'est plus une dérive ponctuelle : il est devenu un mode de fonctionnement. Au lieu de raisonner, on dépense ; au lieu de planifier, on parade ; au lieu de gouverner, on gesticule.
L'Histoire jugera sévèrement ces années où la RDC, au lieu d'investir dans la dignité et la prospérité de son peuple, aura choisi d'offrir au monde le spectacle pathétique d'un État riche de ses ressources mais pauvre de sa raison.
Tite Gatabazi
