A force de travestir en " patriotes " des factions dont la vocation première n'est autre que la prédation et la rapine, le pouvoir s'est enfermé dans une rhétorique incantatoire, vidée de toute substance et aussitôt démentie par la dureté des faits.
Ce discours officiel, construit sur l'artifice et le déni, se heurte quotidiennement à l'évidence des réalités de terrain : violences répétées, extorsions érigées en système et mercantilisme effronté dissimulé sous le masque du dévouement national. En persistant à accorder une légitimité factice à de telles pratiques, l'État se condamne non seulement à perdre la confiance des citoyens, mais encore à dilapider le peu de crédibilité qu'il lui restait en tant que garant du bien commun et incarnation du destin collectif.
Car ce qui se joue, derrière les oripeaux du patriotisme, n'est rien d'autre qu'une lutte triviale pour le contrôle de barrières illégales, où s'exerce une fiscalité parallèle au mépris du droit et du peuple. Le gouvernement, en persistant à donner une caution symbolique à ces acteurs de la rapine, ne fait que creuser le fossé qui le sépare d'une opinion publique désabusée, qui ne voit dans ces affrontements que la confirmation d'une collusion malsaine entre faiblesse de l'État et prolifération de la violence.
À cette faillite manifeste du discours officiel s'adosse une autre réalité, moins spectaculaire peut-être, mais infiniment plus corrosive : l'usure psychologique d'un peuple réduit à l'état d'otage dans son propre pays.
Chaque flambée de violence, chaque affrontement récurrent ravive l'angoisse d'une population contrainte de vivre dans la précarité sécuritaire permanente, où l'incertitude du lendemain est devenue la norme. Cette lassitude accumulée, insidieuse et dévastatrice, ronge lentement les ressorts moraux de la société, substituant à l'espérance une résignation amère, et transformant l'attente d'un État protecteur en désillusion chronique.
Ainsi se construit, au fil des renoncements et des défaillances, une désespérance collective dont les cicatrices, invisibles mais profondes, hypothèquent l'avenir même de la nation.
Chaque flambée de violence, chaque accrochage sanglant sur une route nationale, rappelle aux habitants du Sud-Kivu que leur quotidien est placé sous le signe de la peur et de l'incertitude. La lassitude s'installe, corrosive, car la répétition de ces scènes finit par engendrer une forme de résignation, comme si le désordre et l'arbitraire devenaient le destin inévitable d'un pays.
Pourtant, derrière cette lassitude, gronde une colère latente, nourrie par la conscience aiguë d'un abandon. L'État, censé incarner l'ordre, le droit et la protection, apparaît comme un spectateur impuissant, parfois même complice, de la déliquescence du lien social.
Et tandis que les milices prospèrent sur le malheur collectif, la population, elle, n'attend plus des discours vides, mais une rupture décisive : la fin des faux-semblants et le retour de l'État dans toute sa plénitude régalienne.
Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Affrontements-a-Mwenga-ou-la-faillite-d-un-narratif-et-l-usure-d-un-peuple.html