
L'Australie, ces derniers jours, en offre une illustration aussi saisissante qu'accablante : des précipitations diluviennes ont transformé l'Est du pays en un vaste linceul aquatique, causant la mort de plusieurs personnes, l'isolement dramatique de dizaines de milliers d'habitants, et des scènes de désolation d'une rare intensité.
Dans la région de la Mid North Coast, à environ 400 kilomètres au nord-est de Sydney, les rivières et les affluents sont sortis de leurs lits avec une violence que l'on n'avait plus connue depuis plus d'un siècle.
" Nous observons des niveaux fluviaux inconnus depuis les années 1920 ", a déclaré, avec gravité, Chris Minns, Premier ministre de Nouvelle-Galles du Sud. Les cieux se sont ouverts avec une impitoyable constance, déversant en trois jours l'équivalent de plus de la moitié des précipitations annuelles, engloutissant routes, habitations et récoltes, et poussant des familles entières à se réfugier sur les toits, en attendant l'intervention des secours par hélicoptères ou bateaux.
La ville de Kempsey, noyée sans préavis, est devenue le symbole d'une vulnérabilité criante : plus de 20.000 personnes y sont privées d'accès aux soins et à l'alimentation. Le total des individus isolés dans la région avoisine les 50.000 âmes. Sur les plages, les cadavres de bétail, arrachés à l'intérieur des terres par la fureur des eaux, dérivent comme autant de témoins muets du cataclysme.
Le gouvernement australien a décrété l'état de catastrophe naturelle. Pourtant, au-delà des gestes d'urgence et des aides ponctuelles, s'impose une réflexion de fond sur les causes structurelles de ces bouleversements. Car à l'évidence, cette inondation hors normes n'est pas une anomalie isolée, mais bien l'expression d'un dérèglement systémique, d'un climat que le réchauffement anthropique rend chaque jour plus imprévisible, plus violent, plus extrême.
La ministre de la Gestion d'urgence, Kristy McBain, l'a affirmé sans détour : " Il ne fait aucun doute que le changement climatique a un impact significatif sur la fréquence et l'intensité des phénomènes météorologiques. " Une déclaration appuyée par les travaux de Mahdi Sedighkia, chercheur en modélisation hydrologique, pour qui ces désastres constituent une preuve irréfutable de l'inadéquation croissante entre nos modèles climatiques hérités et les nouvelles réalités planétaires.
Et l'Australie n'est pas seule. À l'échelle du globe, le théâtre des catastrophes naturelles s'élargit de jour en jour. Au Brésil, les inondations du Rio Grande do Sul ont englouti des quartiers entiers.
En Afrique de l'Est, des cyclones dévastateurs emportent villages et moissons. L'Europe même, jadis protégée, ploie désormais sous des épisodes de sécheresse extrême ou de crues éclairs. Les calottes glaciaires fondent à un rythme effarant ; les océans, réchauffés par l'accumulation des gaz à effet de serre, libèrent des volumes d'eau toujours plus chargés en humidité, propices à des déluges records.
Le cur du mal réside dans une modernité qui, au nom du progrès, a distendu les équilibres naturels. La surconsommation, la déforestation massive, l'exploitation effrénée des ressources fossiles et l'urbanisation galopante ont sapé les régulations climatiques ancestrales.
Le pétrole, le charbon et le gaz, combustibles du développement industriel, deviennent, par la concentration de CO₂ qu'ils libèrent, les fossoyeurs du climat. En 2024, l'Australie a enregistré la température moyenne de surface marine la plus élevée de son histoire : une statistique glaçante, prémisse d'un cycle infernal où les océans, devenus trop chauds, nourrissent des tempêtes de plus en plus destructrices.
Le déluge australien n'est, à ce titre, qu'un fragment d'une fresque planétaire de plus en plus sombre. Il interroge notre rapport à la Terre, ce vaste organisme vivant que l'humanité a prétendu dominer sans jamais vraiment en mesurer la fragilité. Car il ne s'agit plus, aujourd'hui, de simples catastrophes naturelles, mais bien de révoltes climatiques, d'une nature qui, excédée par des siècles de prédation, reprend brutalement ses droits.
Le temps n'est plus à l'étonnement, ni aux demi-mesures. C'est d'un véritable sursaut de civilisation qu'il est désormais question : repenser nos modes de vie, renoncer à l'illusion de la croissance infinie, restaurer les équilibres écologiques et reconnaître, enfin, que la Terre n'est pas un gisement à exploiter mais un bien commun à protéger.
Faute de quoi, les rivières continueront de déborder, les cieux de s'embraser, et les peuples de subir, impuissants, les affres d'un monde que l'homme aura lui-même précipité dans le chaos.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Le-dechainement-planetaire-d-un-climat-bouleverse-par-l-humain.html