
Enfermée dans un déni historique tenace, elle peine à tirer les leçons de ses responsabilités et à opérer les ajustements nécessaires pour fonder des rapports apaisés et équitables avec le Rwanda. Bien souvent, elle oscille entre l'imposture et la subversion insidieuse des efforts rwandais, cherchant par ce biais à oblitérer son rôle dans les tragédies qui ensanglantent la région des Grands Lacs depuis 1959.
Aperçu historique
Avant l'arrivée des puissances européennes, le Rwanda n'avait jamais été le théâtre de massacres entre ses habitants. Cependant, la Conférence de Berlin (novembre 1884 - février 1885), en entérinant le partage de l'Afrique, intégra le Rwanda à la sphère allemande. Plus tard, un accord entre l'Allemagne, la Belgique et l'Angleterre en démantela le territoire, annexant certaines de ses parties au Congo Belge et à l'Ouganda.
Une administration coloniale structurée sur la division
En 1916, la Belgique s'empara militairement du Rwanda aux dépens de l'Allemagne et entreprit une refonte radicale des institutions traditionnelles. Cette réorganisation se traduisit par l'instauration d'une législation du travail coercitive, assortie de châtiments corporels, ainsi que par la mise en place d'une segmentation ethnique institutionnalisée.
La Belgique révoqua les chefs hutu et batwa, instaura des cartes d'identité mentionnant l'ethnie et exila le roi Musinga au Congo Belge, où il mourut sans que son corps ne puisse être rapatrié. Son successeur, le roi Rudahigwa, fut intronisé sous tutelle belge avant de périr par empoisonnement en juillet 1959, alors qu'il réclamait l'indépendance du Rwanda.
Bien que la Société des Nations (1924) puis l'Organisation des Nations Unies (1946) aient confié à la Belgique un mandat de tutelle destiné à préparer le pays à l'autodétermination, cette dernière imposa un système fondé sur la division ethnique, en totale contradiction avec les obligations internationales qui lui incombaient.
La violence politique orchestrée
En novembre 1959, la Belgique facilita l'émergence du parti raciste PARMEHUTU, véritable instrument de domination politique. Afin d'asseoir son pouvoir, elle dépêcha au Rwanda le Colonel Guy Logiest, doté de pleins pouvoirs. Dès lors, le pays sombra dans une spirale de massacres à grande échelle, dont l'un des plus sanglants eut lieu en mars 1962 dans la préfecture de Byumba, fauchant plus de 2 000 vies tutsies.
L'indépendance, octroyée en juillet 1962, n'engendra ni paix ni stabilité. En décembre 1963, un génocide fut perpétré contre les tutsi avec la complaisance de certaines figures belges. De nombreux observateurs internationaux qualifièrent alors ces massacres de génocide.
Une ingérence persistante
Le 7 février 1964, le gouvernement belge reconnut la "liquidation des tutsi", mais manifesta davantage d'inquiétude quant à l'implication possible de ses soldats que face à la tragédie humaine en cours. L'armée rwandaise, exclusivement hutu et formée par la Belgique, réalisa ces exactions sous la supervision du major Turpin.
En 1990, lors de l'offensive du Front Patriotique Rwandais (FPR), la Belgique envoya 500 militaires en renfort au gouvernement rwandais, aux côtés de la France et du Zaïre. Plus tard, elle contribua à la MINUAR avec 450 hommes. Pourtant, de janvier à avril 1994, la Belgique possédait des informations cruciales sur la préparation du génocide, via ses services de renseignement et son ambassade à Kigali.
Le 7 avril 1994, en pleine extermination des tutsi, la Belgique retira précipitamment ses troupes, fragilisant ainsi la MINUAR. Pire, elle mena une campagne diplomatique pour en obtenir le retrait total. Le 11 avril, ses militaires abandonnèrent plus de 2 000 réfugiés à l'ETO Kicukiro, qui furent exécutés par les milices du régime. Sous pression belge, le 21 avril, le Conseil de sécurité de l'ONU ordonna une réduction drastique de la présence onusienne, laissant le Rwanda à son sort.
Une reconnaissance tardive et une hostilité persistante
En 1997, une commission du Sénat belge reconnut la responsabilité de la Belgique dans l'abandon des civils lors du génocide de 1994. En avril 2000, le Premier ministre Guy Verhofstadt présenta des excuses officielles à Kigali.
Toutefois, la Belgique n'a jamais pleinement tiré les leçons de son passé. La Résolution 2150 (2014) du Conseil de sécurité de l'ONU exhorte pourtant les États a condamné toute négation du génocide contre les tutsi en 1994, adopté des programmes éducatifs pour prévenir d'autres crimes de masse, juger, arrêter ou extrader les génocidaires qui ont trouver un sanctuaire dans ces pays.
Or, la Belgique bafoue ces engagements. Elle demeure un soutien majeur des réseaux négationnistes et perpétue une politique hostile au Rwanda. Par son financement de campagnes de désinformation et sa connivence avec les FDLR, elle menace la stabilité régionale.
L'histoire atteste, avec une implacable constance, que l'ingérence belge au Rwanda s'est perpétuée sous des formes successives, épousant les méandres du temps sans jamais s'éteindre. Des artifices coloniaux, qui ont méthodiquement fracturé le tissu social rwandais, aux manuvres diplomatiques contemporaines, ourdies sous le vernis fallacieux d'une bienveillance feinte, la Belgique s'illustre comme un agent de déstabilisation persistant. Animée par une volonté latente de maintenir son emprise, elle s'emploie à entraver la pleine souveraineté du Rwanda et à nier, par des stratégies insidieuses, son droit inaliénable à une paix authentique et pérenne.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Un-legs-colonial-source-de-fractures-profondes.html