Depuis plus de deux ans, une ombre sanglante s'est étendue sur cette terre jadis hospitalière, où l'horizon se charge désormais des échos funestes des massacres, des violences innommables et des disparitions inquiétantes. Plus de mille âmes, civils innocents happés par la fureur insensée d'une milice surgie des abysses du désespoir, ont rejoint le silence éternel, tandis que d'innombrables autres portent sur leurs chairs et dans leurs esprits les stigmates de sévices inqualifiables.
La milice Mobondo, bras armé d'un conflit initialement coutumier, s'est muée en une entité spectrale qui sème la terreur et la désolation, sous le regard impassible d'un État trop lent, trop distant, trop perméable aux jeux sinistres de ceux qui, tapis dans l'ombre du pouvoir, soufflent sur les braises incandescentes de la discorde.
Ce conflit, né d'une querelle autour de la redevance coutumière, une modeste mutation du tribut, passée d'un à cinq sacs, aurait pu être contenu, résolu dans la sagesse et la concertation. Mais au lieu d'éteindre le brasier naissant, l'indifférence institutionnelle et la déliquescence de l'autorité ont servi d'oxygène à l'embrasement.
Ce qui n'était au départ qu'une revendication s'est transformé en une fracture abyssale, un schisme où la loi du sang a pris le pas sur celle des hommes. Loin d'être un simple affrontement tribal, cette tragédie dévoile les failles béantes d'un État spectateur, dont l'inaction résonne comme un aveu d'impuissance, ou pire, de connivence. L'instabilité de Kwamouth n'est pas le fruit du hasard, mais bien le reflet d'une mécanique éprouvée où la politique et ses arcanes sinistres façonnent, dans l'ombre, le destin funeste de ceux qu'elles prétendent gouverner.
Les enquêtes ouvertes, les avis de recherche lancés, les timides interventions militaires ne sont que des voiles jetés sur un gouffre béant. Les coupables, trop bien protégés, trop bien dissimulés derrière les jeux d'influence, échappent toujours à la main de la justice, tandis que les victimes, elles, sombrent dans l'oubli, réduites à de simples statistiques dans un bilan partiel.
Ainsi va la tragédie d'une nation qui, en refusant d'affronter ses propres démons, laisse s'ériger sur son sol les temples de la désolation et du chaos. La question demeure, lancinante et brûlante : quand l'État brisera-t-il enfin ce cycle infernal, cette symphonie macabre où résonne, comme un refrain funeste, l'écho des vies sacrifiées sur l'autel de l'indifférence ?
Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Ca-se-passe-a-plus-de-2000-kms-de-Goma.html
