L'AGPF a visité 15 districts du pays, dont 11 situés à proximité de frontières que le Rwanda partage avec d'autres pays.
Lors d'une réunion de réflexion organisée par le Parlement sur l'idéologie du génocide dans les régions entourant le Rwanda, ses conséquences et les mesures à prendre pour la combattre, le sénateur Prof. Dusingizemungu Jean Pierre, également président du Forum des Parlementaires pour la Prévention du Génocide, a affirmé que les actes de violence envers les survivants du génocide des Tutsi, observés entre août et décembre 2024, étaient directement liés à l'idéologie du génocide.
Le professeur Dusingizemungu a précisé que, bien que cette idéologie ne soit pas largement répandue, 16 indicateurs ont été identifiés, suggérant que ce fléau demeure toujours présent.
" Les 16 indices que nous avons observés nous amènent à penser qu'ils sont directement liés à l'idéologie du génocide : 12 d'entre eux ont été identifiés chez des personnes de plus de 30 ans, deux chez des jeunes adultes et trois chez des enfants âgés de 12 à 16 ans ", a-t-il précisé.
L'AGPF a également constaté que dans les districts proches des frontières, cette idéologie est davantage présente. Certains habitants collaboreraient même avec des groupes armés, tels que les FDLR opérant dans l'est de la République Démocratique du Congo.
" Un autre fait que nous avons observé, en particulier aux frontières, est que certaines femmes traversent la frontière pour aller procréer avec des membres des FDLR, dans le but d'avoir des enfants, une pratique à laquelle elles ont même attribué un nom spécifique. Je suis certain que vous comprenez ce que cela implique ", a ajouté le Professeur Dusingizemungu.
Il a également été observé dans les districts frontaliers que certains habitants sont susceptibles d'être influencés par des discours prônant l'idéologie du génocide, largement diffusés à travers les réseaux sociaux.
" Il existe également des districts où des individus, qu'ils soient locaux ou originaires de régions voisines, mènent des activités visant à manipuler les jeunes, les entraînant dans des idéologies divisionnistes et génocidaires ", a-t-il précisé.
Le professeur a aussi mentionné que certains habitants sont toujours en contact avec des membres des FDLR ou d'autres groupes opposés au gouvernement, et qu'ils collaborent activement avec eux.
Il a cité l'exemple du secteur de Bwisige dans le district de Gicumbi, où les habitants ont rapporté que certaines personnes étaient influencées par les discours du général Habyarimana Emmanuel, originaire de cette région. Il a également évoqué Nyamasheke, où certains habitants écoutent les prêches du Père Nahimana et du Père Rudakemwa Fotunatus, originaires du district voisin de Rusizi.
À Ngororero, de nombreuses personnes liées au groupe FDLR sont originaires de cette région et parviennent à influencer les habitants du district à travers les idéologies qu'ils véhiculent.
Dans le district de Gisagara, des cartes SIM non enregistrées, en provenance d'autres pays, sont distribuées aux jeunes afin de permettre la libre circulation des messages haineux qu'ils diffusent, dans l'illusion qu'ils sont impossibles à tracer et protégés.
À Nyaruguru, un enfant de 12 ans a été vu en train d'examiner les mains de ses camarades de classe pour déterminer s'ils étaient Tutsis ou Hutus. Lorsqu'un enseignant lui a tendu la main, l'enfant a répondu de manière surprenante : " tu es l'un des nôtres, rien ne t'arrivera. "
Dans le district de Nyamagabe, on a découvert une maison construite sur un site où reposent les corps de personnes massacrées lors du génocide contre les Tutsi. Autre fait étrange, on rapporte également l'histoire d'un vieil homme qui a passé 30 ans enfermé chez lui en raison de son rôle dans le génocide des Tutsi."
L'AGPF a souligné que, bien que le nombre de personnes manifestant des signes d'extrémisme génocidaire soit faible, des mesures doivent impérativement être prises pour éradiquer ce fléau.
" Ce que nous avons observé, ce sont des germes, les conséquences de ces groupes qui cherchent à raviver les actes de génocide. Cela signifie que nous devons suivre de très près cette situation, même si ces individus sont peu nombreux ", a-t-il expliqué."
Le Professeur Dusingizemungu a conclu en soulignant que, malgré cela, de nombreux citoyens ont démontré que leurs convictions reposent sur des pratiques positives, plutôt que sur les divisions existantes dans la région.
Alain Bertrand Tunezerwe
