
Ce retour, toutefois, ne saurait être perçu comme une fulgurance isolée. Sa récente apparition aux côtés de Moïse Katumbi à Addis-Abeba augurait déjà d'une réarticulation stratégique de son engagement. À présent, sa prise de parole en personne parachève ce dessein mûrement réfléchi.
Rien n'y relève du hasard : chaque geste, chaque mot, chaque silence même, s'inscrit dans une logique d'influence où l'histoire congolaise, en perpétuel mouvement, s'apprête peut-être à rouvrir ses portes à l'un de ses acteurs les plus énigmatiques.
Ce dimanche 23 février, il fait entendre sa voix au travers d'une tribune publiée dans les colonnes du Sunday Times, un prestigieux journal sud-africain. Par cette intervention, il amorce un retour stratégique sur la scène congolaise et adresse un message limpide à la communauté politique et diplomatique.
Dans cette prise de parole, Joseph Kabila écarte d'emblée toute solution militaire au conflit qui ravage l'Est de la RDC. Il balaie du revers de la main l'idée selon laquelle un renforcement des capacités militaires congolaises, par l'acheminement de troupes ou d'équipements, pourrait constituer une réponse pérenne à la crise.
Selon lui, les racines du chaos actuel ne sauraient être réduites à un simple affrontement armé ; elles plongent au contraire dans les méandres des dysfonctionnements politiques, sociaux et institutionnels ayant conduit, selon ses dires, à la rupture du processus politique en 2021. Il attribue cette rupture à l'éviction de son camp des sphères du pouvoir par l'actuel président, Félix Tshisekedi.
Par cette déclaration, l'ancien chef de l'État adresse également une injonction implicite à Cyril Ramaphosa, président sud-africain et artisan de l'intervention de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) en RDC. Il l'exhorte à clarifier sa position, à l'heure où les contingents de la SADC, mandatés pour contrer la progression du M23 campent encore à Goma, épicentre du conflit.
L'ancien président et sénateur, Joseph Kabila ne se borne pas à un simple constat ; il dresse un réquisitoire implacable contre le régime en place. Il accuse Félix Tshisekedi d'avoir instauré un pouvoir qu'il qualifie sans ambages de " tyrannique ". Selon lui, ce régime se caractérise par une gouvernance où règnent l'intimidation systématique, les arrestations arbitraires, les exécutions extrajudiciaires, la répression de l'opposition et la censure des médias.
Il fustige également l'exil forcé imposé à de nombreux opposants, journalistes et figures influentes de la société congolaise, y compris des chefs religieux. Il met en exergue de graves violations de la Constitution et des droits fondamentaux, affirmant que ces dérives ne cesseront guère, même si un accord venait à être conclu entre Kinshasa et Kigali ou si le M23 devait être défait militairement.
Le contentieux entre l'ancien président Joseph Kabila et son successeur ne cesse de s'exacerber. Félix Tshisekedi, lors de la Conférence de Munich le 13 février dernier, n'a pas hésité à l'accuser d'entretenir des accointances avec la rébellion armée. Une allégation que le clan Kabila rejette catégoriquement.
En s'exprimant publiquement, Joseph Kabila amorce une nouvelle dynamique et s'emploie à redéfinir sa place sur l'échiquier politique. Toutefois, si cette tribune marque son retour dans le débat national, elle demeure énigmatique quant aux véritables revendications qu'il entend porter.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Le-retour-sur-scene-du-Rais-en-RDC.html