
La version officielle qu'il défend avec aplomb se heurte désormais à une contestation grandissante, portée par des observateurs avertis qui mettent en lumière les véritables desseins de cette opération militaire. Dès lors, la rhétorique de l'altruisme peine à masquer les enjeux sous-jacents d'un engagement qui, sous prétexte de pacification, pourrait bien dissimuler une entreprise de prédation orchestrée au profit d'intérêts particuliers.
En effet, le chef d'État sud-africain subit une volée de bois vert à la suite de l'engagement des troupes de la SANDF en RDC, un déploiement marqué par la perte tragique de quatorze soldats. Cette controverse s'est exacerbée après qu'on ait fustigé la déclaration de Ramaphosa qualifiant les militaires tombés au combat de " héros africains ".
Dans un communiqué officiel publié le 3 février, le président sud-africain a affirmé que ces soldats avaient été envoyés en mission sous l'égide de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC), dans le cadre de la Mission de la SADC en RDC (SAMIDRC) ainsi que de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO).
" En tant que nation, nous rendons hommage à nos soldats tombés au champ d'honneur. Ce sont des héros sud-africains et africains. Ils ont sacrifié leur vie pour la défense des innocents : ces hommes, ces femmes et ces enfants pris dans l'engrenage de l'un des conflits les plus longs et les plus meurtriers du monde ", pouvait-on lire dans cette déclaration.
Toutefois, dans une lettre ouverte publiée sur le site The Great Lakes Eye, Ruberwa a violemment contesté cette vision des faits, affirmant que " jamais le continent africain n'a eu de héros impliqués dans un nettoyage ethnique ".
Selon lui, les soldats sud-africains ne seraient pas les protecteurs des plus vulnérables, mais bien les complices d'une entreprise génocidaire menée par le président congolais Félix Tshisekedi contre les Tutsi congolais, communauté ethnique de la région des Grands Lacs.
D'après Ruberwa, ces militaires auraient trouvé la mort en combattant aux côtés d'une coalition armée que Tshisekedi aurait mise en place pour anéantir les rebelles du M23, ces derniers étant, selon lui, les véritables protecteurs des Congolais parlant le kinyarwanda, en particulier les Tutsi, victimes de persécutions, de massacres et d'actes de cannibalisme perpétrés en pleine lumière.
" Comment réagiriez-vous si l'histoire venait à qualifier de 'héros sud-africains et africains' des figures comme Hendrik Verwoerd ou Daniel François Malan, artisans de l'apartheid ? " interroge-t-il dans sa lettre.
Il poursuit en accusant Ramaphosa d'avoir sciemment manipulé l'opinion publique en avançant un récit fallacieux visant à dissimuler les véritables enjeux de l'intervention sud-africaine en RDC. " Vous avez abusé de la confiance de vos compatriotes en prétendant que ces quatorze soldats ont perdu la vie pour défendre les sans-défense ", s'indigne-t-il.
Toujours selon Ruberwa, la seule communauté véritablement vulnérable et persécutée dans l'est de la RDC est celle des Congolais parlant le kinyarwanda. Or, ce sont précisément ces populations que le M23 s'efforce de protéger contre l'extermination, tandis que la SANDF, déployée sous mandat de la SADC, se serait alliée à une coalition composite incluant les Forces armées congolaises, l'armée burundaise, des mercenaires européens, une myriade de milices regroupées sous la bannière des Wazalendo, ainsi que les FDLR, milice génocidaire rwandaise.
Selon lui, l'objectif réel de la SANDF n'est autre que la prise de contrôle de la localité de Rubaya, en territoire de Masisi, une zone riche en coltan, afin de repousser le M23 et permettre à Tshisekedi d'honorer un accord tacite prévoyant la cession de ces ressources à des intérêts sud-africains.
Ruberwa affirme que Ramaphosa aurait uvré en faveur de la South African Mining Development Association (MIASA), entité contrôlée par ses proches et ses alliés, afin qu'elle obtienne un accès privilégié aux mines de Rubaya. Il avance également que Jeff Radebe, ancien ministre et émissaire spécial de Ramaphosa dans la région des Grands Lacs, est l'ex-époux de Bridgette Motsepe, présidente de la MIASA et sur de la Première dame d'Afrique du Sud. Il rappelle en outre que Patrice Motsepe, frère de Bridgette et beau-frère de Ramaphosa, est non seulement à la tête de la Confédération Africaine de Football (CAF), mais aussi un magnat de l'industrie minière.
Ainsi, conclut Ruberwa, " votre acharnement contre le M23 ne relève pas d'une quête de paix pour la RDC, mais bien de la poursuite d'intérêts personnels et du maintien de vos arrangements avec Tshisekedi ".
Bien que des rapports antérieurs aient évoqué un intérêt de Patrice Motsepe pour un projet d'exploitation de phosphates en RDC, la porte-parole d'African Rainbow Minerals (ARM), Betty Maloka, a fermement nié toute implication de l'entreprise dans le secteur minier congolais : " ARM est une société sud-africaine de premier plan, spécialisée dans l'exploitation minière et la transformation des ressources. Nous n'avons aucun projet, aucune opération et aucun intérêt commercial en RDC ", a-t-elle déclaré.
De son côté, Jeff Radebe a tenu à clarifier sa position, insistant sur le fait que la décision d'envoyer des troupes en RDC avait été prise par le président, son gouvernement et l'Assemblée nationale, en conformité avec la Constitution sud-africaine. Il a également rappelé que ce déploiement s'inscrivait dans une résolution de la SADC visant à envoyer une force de maintien de la paix en RDC, aux côtés du Malawi et de la Tanzanie.
Ruberwa, pour sa part, estime que plusieurs leaders africains et analystes politiques ont exhorté les parties prenantes à privilégier le dialogue politique pour mettre un terme au conflit dans l'est de la RDC. Selon lui, Ramaphosa, muselé par ses propres intérêts économiques, s'abstient de rappeler son allié Tshisekedi à l'ordre.
" La question du M23 est une problématique interne à la RDC qui ne saurait souffrir d'une ingérence étrangère. Par conséquent, gardez vos soldats hors de notre territoire ", a-t-il lancé à l'adresse du président sud-africain.
Il conclut en exhortant Ramaphosa à prendre exemple sur son prédécesseur, Thabo Mbeki, qui a toujours reconnu que la crise en RDC résultait avant tout du refus persistant de Kinshasa d'accorder une reconnaissance pleine et entière aux Congolais parlant le kinyarwanda.
" Déployer la SANDF contre eux revient à leur dénier leurs droits fondamentaux ", a-t-il affirmé.
Cette controverse intervient alors que plusieurs partis politiques sud-africains et députés contestent l'implication des forces armées sud-africaines en RDC.
Le parti Build One South Africa (BOSA) a ainsi interpellé Ramaphosa, l'appelant à révéler les véritables motivations de cette intervention : " Sommes-nous engagés dans une mission désintéressée pour la paix régionale, ou bien sommes-nous les pions d'un jeu géopolitique périlleux, guidé par l'avidité et l'exploitation des ressources ? "
Lors d'une séance parlementaire, la députée du parti Economic Freedom Fighters (EFF), Natasha Ntlangwini, a dénoncé une opération visant davantage à protéger les intérêts miniers des " amis blancs de Ramaphosa " qu'à uvrer pour la stabilité régionale.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/La-famille-Ramaphosa-et-les-minerais-de-la-RDC.html