Le président burundais a rappelé que la fermeture des frontières entre le Burundi et le Rwanda n'était pas un acte isolé. " Ce n'est pas la première fois que nous fermons les frontières. Lorsque les relations avec le Rwanda se sont tendues, nous avons pris cette décision. En 2020, nous avons rouvert les frontières dans un esprit de réconciliation, mais le Rwanda n'a pas respecté les engagements pris, notamment en ce qui concerne l'extradition des putschistes de 2015. Ce n'est qu'à ce moment-là que nous avons décidé de fermer de nouveau les frontières ", a affirmé Ndayishimiye.
Il a ajouté que, selon lui, ces individus seraient responsables d'actes de déstabilisation et de terrorisme sur le territoire burundais, en infiltrant le pays depuis le Rwanda.
Le chef de l'État burundais a notamment insisté sur l'origine des attaques terroristes qu'il attribue à des éléments venus du Rwanda. " Ces actes de terrorisme sont organisés et planifiés depuis le Rwanda. Nous avons des preuves qu'ils ont été formés là-bas. Ce sont des actes de violence dont les responsables doivent être remis à la justice burundaise ", a-t-il déclaré.
Une fermeture des frontières qui étrangle la population
Cependant, pour de nombreux observateurs et analystes, cette explication politique ne correspond pas entièrement aux véritables raisons de la fermeture des frontières.
Innocent Muhozi, un journaliste burundais en exil, affirme que les autorités burundaises utilisent cette situation pour étouffer encore plus la population locale, sans avoir à admettre ouvertement leurs intentions.
" Les autorités burundaises cachent des motivations non avouées. La fermeture des frontières n'est pas seulement une mesure de sécurité, mais elle sert également à étouffer économiquement le peuple burundais. En bloquant les échanges commerciaux et en isolant davantage le pays, le régime espère maintenir son contrôle sur une population de plus en plus réprimée ", explique Muhozi.
Selon lui, l'argument de la sécurité nationale est un prétexte qui dissimule une stratégie politique plus large visant à maintenir un environnement où la société civile est réduite au silence et où les voix dissidentes sont de plus en plus réprimées.
La fermeture des frontières avec le Rwanda a des conséquences dramatiques sur l'économie burundaise, qui dépend largement des échanges commerciaux avec son voisin.
Cette situation a aggravé la précarité de la population, qui doit faire face à des pénuries et à des prix inaccessibles.
L'instrumentalisation de la question des réfugiés et de la justice
Le régime burundais lie la question de la réouverture des frontières à un autre enjeu crucial : l'extradition des individus impliqués dans le coup d'État de 2015.
Le gouvernement du Rwanda, cependant, s'est montré inflexible sur ce dossier, soulignant qu'une telle action ne pourrait avoir lieu sans garanties juridiques et de sécurité.
Le général James Kabarebe, secrétaire d'État rwandais aux Affaires étrangères, a récemment affirmé que les individus recherchés par le Burundi se trouvent sous la protection du HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, et qu'il était impossible de les remettre sans une tierce partie offrant des garanties de sécurité.
" Nous avons ces individus, et le Burundi en est informé. Nous avons tenté de discuter d'une solution, mais nous ne pouvons pas les remettre sans une garantie de sécurité. C'est ce qui bloque le processus ", a déclaré Kabarebe.
Le Rwanda affirme également qu'il n'a aucun lien avec les groupes armés opérant contre le Burundi, comme le groupe RED Tabara, et que ces accusations sont infondées.
La population prise en otage
Dans ce contexte de tensions diplomatiques, ce sont avant tout les populations des deux pays qui subissent le plus durement les conséquences de cette situation.
Si les autorités burundaises continuent de pointer le Rwanda du doigt, de nombreux observateurs estiment que la répression interne, le manque de dialogue et la politique de fermeture des frontières sont en réalité les principaux instruments utilisés pour maintenir un régime autoritaire.
Les Burundais, en particulier les plus vulnérables, continuent de souffrir de cette politique de l'isolement, tout en espérant un retour à la normalité et une réouverture des frontières qui semble de plus en plus incertaine si on en croit aux propos des autorités burundais dès le sommet de l'Etat.
Bazikarev