
Au cur du scandale se trouve la NSPA (NATO Support and Procurement Agency), agence luxembourgeoise chargée de l'acquisition et du soutien logistique pour les 32 États membres de l'Alliance.
Selon les investigations publiées par La Lettre, Follow the Money, Le Soir et Knack, cette structure, supposée garantir la transparence et l'efficacité des marchés d'armement, est infiltrée par un réseau complexe de pratiques illicites : agents corrompus, industriels véreux, transferts d'informations confidentielles et valises de billets.
Matthieu Fauroux, chef de rubrique UE-OTAN à La Lettre, décrit un " système tentaculaire " s'étendant à travers plusieurs États européens, avec des ramifications jusqu'aux États-Unis, aux Pays-Bas et à l'Italie.
Les enquêtes révèlent que l'agence, brassant des milliards d'euros dans un secteur déjà marqué par l'opacité et le secret stratégique, aurait servi de levier à des pratiques de corruption systématique.
Des informations confidentielles auraient été transmises à des entreprises privées, facilitant l'obtention de contrats publics pour des drones, munitions et autres équipements militaires. Les arrestations initiées en mai dernier illustrent l'ampleur du phénomène : parmi les inculpés figurent Scott Willason, ancien militaire américain et ex-employé de la NSPA, et un ancien cadre belge du service munitions devenu consultant indépendant.
Ces derniers sont suspectés d'avoir exploité leur position pour avantager certains clients, via des informations confidentielles et des mécanismes de blanchiment de fonds, évalués à près de 1,9 million d'euros.
Défense européenne : entre expansion et dérives
Le scandale s'inscrit dans un contexte de tension et d'expansion militaires sans précédent. Face à la menace russe, les budgets de défense européens connaissent une explosion spectaculaire, avec des plans tels que celui de l'Union européenne visant à mobiliser 150 milliards d'euros pour soutenir un effort global de 800 milliards supplémentaires sur les prochaines années.
Cette croissance vertigineuse des dépenses accentue le risque de malversations et met en lumière les insuffisances des mécanismes de contrôle dans un secteur où la confidentialité prime sur la transparence.
L'affaire dépasse les frontières européennes : le FBI, Eurojust et les services d'enquêtes criminelles américains (DCIS et NCIS) ont été mobilisés, aboutissant à des inculpations de ressortissants grecs et turcs, ainsi que de citoyens néerlandais, impliqués dans la manipulation de marchés publics et la corruption.
Plusieurs d'entre eux ont depuis été relaxés, ce qui suscite des interrogations sur d'éventuelles pressions politiques et sur la robustesse du dispositif judiciaire.
Le scandale NSPA rappelle, selon Francesca Grandi de Transparency International, l'impérieuse nécessité d'un contrôle rigoureux des dépenses publiques, particulièrement dans le domaine de la défense. Il souligne combien un secteur stratégique, opacifié par le secret et dopé par des sommes colossales, demeure vulnérable aux dérives, mettant en péril l'intégrité des institutions et la confiance des citoyens dans la gestion des marchés militaires.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Un-parfum-de-corruption-a-l-OTAN.html