De la potence de 1975 aux mascarades judiciaires contemporaines en RDC #rwanda #RwOT

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Elle résonne comme l'écho funeste du prétendu complot de la Pentecôte de 1975, épisode où la justice fut travestie en bras armé de l'arbitraire, et dont les stigmates demeurent encore inscrits dans la mémoire nationale.

1975 : la tragédie de la potence

Le 2 juin 1975, Kinshasa assista à une scène d'une rare cruauté. Quatre hommes, accusés d'un complot contre Mobutu Sese Seko, furent pendus publiquement : Évariste Kimba, ancien Premier ministre, Jérôme Anany, Emmanuel Bamba et Alexandre Mahamba. Malgré les suppliques des missions diplomatiques et des autorités religieuses, ils furent exécutés devant une foule immense, évaluée à trois cent mille personnes, transformant la place publique en théâtre macabre et la justice en spectacle de terreur.

Dans le sillage de ces pendaisons, une vague d'arrestations frappa les plus hauts gradés de l'armée. Le général Fallu Sumbu, attaché militaire à Washington, le général Utshudi Wembolenga, commandant de la 4e région militaire, les généraux Katsuva et Ngay Kasasa, ainsi que le colonel Raymond Omba, chef de la sécurité présidentielle, furent accusés de collusion avec la CIA et traduits devant une juridiction militaire entièrement soumise au régime.

Condamnés, dégradés, dépouillés de leurs biens, certains échappèrent à l'exécution grâce à la pression internationale, mais leur honneur resta irrémédiablement entaché.

L'inachèvement de la réhabilitation

Quarante ans plus tard, le colonel Omba, devenu sénateur, continue de réclamer la révision de ce procès inique. Depuis 2009, il demande que son nom et celui de ses compagnons soient lavés de l'opprobre, dénonçant une justice qui se distribue " selon la tête du justiciable ". La Haute Cour militaire, invoquant l'absence de pièces ou la disparition de témoins-clés, s'enlise dans la procrastination, prolongeant l'injustice en la recouvrant d'un silence embarrassé. La RDC ne s'est jamais donné les moyens de solder ce passif, préférant conserver les séquelles d'un mensonge d'État que de rétablir la vérité.

Le retour des mêmes dérives

Or, loin de rompre avec ce passé sombre, le présent le réactive sous de nouveaux visages. Les procès spectaculaires se succèdent dans un climat d'arbitraire. Le feuilleton judiciaire autour de l'ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo, dont les poursuites apparaissent davantage comme une manœuvre politique que comme une quête sincère de justice, illustre la persistance des dérives.

L'assassinat du député Chérubin Okende, dans des circonstances obscures et jamais élucidées, a mis en lumière les défaillances d'un appareil judiciaire incapable de protéger ceux qui incarnent la voix de l'opposition. Les condamnations de Corneille Nangaa et de ses proches, tout comme les interventions erratiques du procureur général, souvent réduit à des pérégrinations théâtrales, achèvent de convaincre que la justice congolaise est moins une institution qu'un décor au service d'un pouvoir aux abois.

Les méfaits d'une justice aux ordres

Cette justice sélective et manipulée engendre des conséquences délétères. Elle détruit la confiance populaire dans les institutions, convainc les citoyens que le droit n'est qu'une façade et alimente un sentiment de défiance généralisée. Elle fracture la société congolaise en transformant les tribunaux en champs clos où se joue la revanche politique, au lieu d'apaiser les conflits par la règle de droit. Elle affaiblit, enfin, la stabilité nationale en privant le pays de l'État de droit, socle indispensable à toute reconstruction durable et à tout progrès économique.

Leçon ignorée et pouvoir à la dérive

De 1975 à aujourd'hui, une constante s'impose : l'histoire congolaise demeure prisonnière d'une justice instrumentalisée. Le pouvoir en place, incapable de gouverner par la légitimité et la performance, se réfugie dans les simulacres judiciaires pour neutraliser ses adversaires. Mais en multipliant procès de convenance, assassinats politiques non élucidés et condamnations de circonstance, il ne fait que " noyer le poisson ", étouffer la vérité et accélérer sa propre disqualification.

La RDC fracturée chaque jour davantage par un pouvoir à la dérive, ne pourra se reconstruire sur le socle fragile d'une justice aux ordres. Tant que la magistrature sera inféodée au politique et servira d'arme de dissuasion contre les opposants, elle ne fera que prolonger l'ombre des potences de 1975 et reproduire les mascarades d'aujourd'hui.

Seule une justice véritablement indépendante, libérée des chaînes du pouvoir exécutif, permettra de refermer ces plaies béantes et de redonner au peuple congolais la confiance dans ses institutions.

Quatre hommes, accusés de complot contre Mobutu Sese Seko, furent publiquement pendus le 2 juin 1975 à Kinshasa

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/De-la-potence-de-1975-aux-mascarades-judiciaires-contemporaines-en-RDC.html

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