
Selon les autorités militaires et locales, une cinquantaine de civils ont été tués entre jeudi et dimanche dernier dans une série d'attaques attribuées aux ADF dans les territoires de Lubero et de Beni, situé dans la province du Nord-Kivu.
La dernière tragédie est survenue dans la cité d'Oicha, dans le territoire de Beni, qui a particulièrement été touchée dans la nuit de samedi à dimanche : neuf personnes ont péri brûlées vives dans une maison.
Depuis dimanche matin, dans les rues endeuillées d'Oicha, la colère se fait entendre. Jospin Kasayi, qui a perdu son frère dans l'attaque, raconte avec amertume : "Ils suivaient paisiblement un match de football lorsque les rebelles ont attaqué. Ils les ont enfermés dans une maison avant d'y mettre le feu. Mon frère est mort dans sa boutique, brûlé avec ses marchandises".
Fondées dans les années 1990 par plusieurs mouvements d'opposition en Ouganda, les ADF restent actives dans l'est de la RDC, ce qui a donné lieu à des opérations conjointes des armées congolaise et ougandaise pour traquer ce groupe, aujourd'hui affilié à l'Etat islamique.
"Nous sommes tristes de voir cette situation se répéter et même se rapprocher encore aujourd'hui. Cela fait des décennies que ces rebelles tuent en toute impunité sans qu'aucune action concrète ne mette fin à cette souffrance", a déploré Joël Kabunga Lugware, habitant d'Oicha. Pour lui, la multiplication des attaques dans les environs rappelle les massacres passés.
Depuis le mois dernier, les rebelles ADF ont multiplié leurs attaques contre des villages des provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri, ciblant principalement des civils.
Isaac Kabalami, président de la société civile d'Oicha, abonde dans le même sens : "Nous avons alerté les autorités après les massacres de Lubero, mais aucune mesure appropriée n'a été prise. Voilà que le pire est arrivé et nous craignons désormais pour la suite. Les ADF opèrent actuellement sans inquiétude jusque dans nos cités, c'est déplorable."
Les habitants redoutent que ces violences ne s'étendent encore, à l'instar du massacre survenu en juillet dernier à Komanda, dans la province voisine de l'Ituri, où plus de 70 fidèles catholiques avaient été tués fin juillet lors d'une veillée de prière.
Face à l'indignation croissante, l'armée congolaise a publié un communiqué tard dimanche. Le lieutenant Elongo Kyondwa, porte-parole des forces armées à Beni, a affirmé que "la résurgence des attaques vise à désorienter la manuvre des forces loyalistes qui produit des résultats sur le terrain". Il a réitéré la détermination des troupes "à anéantir ces terroristes" et a appelé la population "à accompagner les efforts des forces de défense".
La province du Nord-Kivu, placée en état de siège depuis mai 2021 avec une administration civile remplacée par les autorités militaires et policières, reste confrontée à une situation sécuritaire complexe, une large partie de son territoire, y compris son chef-lieu Goma, étant sous l'occupation des rebelles du Mouvement du 23 mars (M23).
Pourtant, malgré plus de trois ans d'opérations conjointes menées par les armées congolaise et ougandaise, les attaques des ADF se poursuivent. La présence des autorités militaires à Beni, où l'administration provinciale a été provisoirement installée depuis la chute de Goma en janvier dernier, n'a pas suffi à endiguer les violences.
"Si, malgré toutes les autorités militaires et administratives présentes à Beni, les rebelles continuent de tuer chaque semaine à quelques kilomètres de la ville, nous craignons que la situation ne devienne incontrôlable", a insisté Isaac Kabalami.
Pour beaucoup de familles, la peur de nouvelles attaques se conjugue à la colère face à ce qu'elles perçoivent comme un abandon de la part des autorités. Entre les ruines des maisons incendiées et les funérailles improvisées, la population se demande combien de temps encore elle devra vivre au rythme des massacres.

Xinhua