
Par son engagement, elle incarnait une figure de dignité, dressée contre l'exclusion et la persécution, se faisant l'écho des douleurs d'un peuple réduit trop souvent au silence ou à la caricature. En elle se lisait l'espérance d'une élite courageuse, capable de tenir tête à la stigmatisation et de rappeler au monde que la citoyenneté congolaise ne se déchire pas en fonction de l'origine ou de l'ascendance.
Or, ce qui s'annonçait comme une trajectoire de courage s'est, hélas, abîmé dans les détours de la compromission. Les récentes déclarations de Béatrice Gisaro sur les attaques survenues à Uvira portent en elles une lourde dissonance : elles minimisent des faits indéniablement ciblés contre les Banyamulenge, les réduisant à de simples incidents isolés, comme si l'intention discriminatoire n'était qu'une illusion.
Plus grave encore, en rappelant publiquement que " les Banyamulenge n'ont pas deux patries ", elle adopte un langage qui épouse les narratifs officiels de ceux qui, au pouvoir, nourrissent une politique d'exclusion et d'épuration ethnique avérée.
De ce qui fut jadis la voix ferme et intransigeante de la résistance, Béatrice Gisaro s'achemine désormais vers le rôle funeste de courroie de transmission, donnant par ses propos une respectabilité inespérée aux narratifs de ceux qui s'emploient à délégitimer son propre peuple.
En substituant à la dénonciation courageuse le langage convenu de la justification, elle ne se contente pas de taire l'injustice : elle en devient, par un subtil renversement, la garante implicite.
Ainsi, la parole qui aurait dû être rempart et flambeau s'érige, par un tragique retournement, en caution morale du pouvoir qui conteste aux Banyamulenge leur pleine appartenance au tissu national.
Cette mutation tragique n'est pas sans rappeler les sombres figures de l'Histoire, celles que la mémoire retient sous le vocable infamant de " collaborateurs ". La parole qui relativise la haine finit par en être le carburant, car elle légitime ce qui devrait être dénoncé avec véhémence. En affichant une complaisance vis-à-vis du pouvoir et en adoptant une posture d'auto-flagellation publique, Béatrice Gisaro semble sacrifier l'intérêt collectif de sa communauté sur l'autel d'intérêts bassement mercantiles ou de calculs opportunistes.
Ce qui relevait jadis de la noble résistance s'est mué en une rhétorique de soumission, au service d'une presse aux ordres et d'un régime dont l'agenda discriminatoire ne fait plus mystère.
Ainsi se dessine le portrait d'une trahison : au lieu d'être le bouclier des siens, Béatrice Gisaro est devenue l'arme rhétorique qui entérine leur persécution.
Là où l'on attendait la fidélité à une cause historique, elle a choisi l'avilissement dans le confort illusoire des faveurs du pouvoir. Mais l'Histoire, implacable, réserve aux collabos le sort qui fut toujours le leur : la perte d'honneur et le discrédit éternel.
Car nul n'échappe au jugement moral de son peuple ni à la mémoire inflexible qui, au-delà des calculs du présent, distingue les véritables artisans de la dignité de ceux qui, par opportunisme, auront trahi la cause des leurs.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/De-l-egerie-a-la-compromission-ou-le-destin-contrarie-de-la-collaboration.html