Agathe Habyarimana face au poids inexorable de l'Histoire et de la justice #rwanda #RwOT

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Cette sentence, qui reprend les attendus de office français de protection des réfugiés et apatrides " OFPRA " et de la Commission de recours des réfugiés, ne relève pas de l'allusion vague ou de l'hypothèse hasardeuse ; elle traduit au contraire la convergence de données archivistiques, de témoignages irréfutables et de travaux scientifiques qui établissent le rôle central joué par la veuve de l'ancien président rwandais dans la genèse, la planification et l'exécution du génocide perpétré contre les Tutsi en 1994.

Car il ne s'agit pas, dans le cas d'Agathe Habyarimana, d'un simple soupçon ou d'une culpabilité par contiguïté. Les documents recueillis depuis des décennies par les chercheurs, parmi lesquels l'historien Vincent Duclert, ainsi que par de nombreuses commissions internationales, démontrent sans l'ombre d'un doute son implication personnelle et directe dans les cercles décisionnels qui orchestrèrent l'extermination systématique des Tutsi.

A la tête du fameux réseau Zéro, de l'akazu, véritable état-major occulte de la haine, elle en fut l'inspiratrice et la protectrice, tout autant que son frère Protais Zigiranyirazo, l'un des stratèges les plus brutaux du régime.

Le rôle moteur dans le déclenchement du cataclysme

Les analyses historiographiques les plus convergentes attribuent à l'akazu, dont Agathe Habyarimana était une cheville maîtresse, la responsabilité de l'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion présidentiel, événement déclencheur de la phase paroxystique du génocide contre les tutsi.

Cet acte, soigneusement planifié et revendiqué de facto par les bénéficiaires de la logique exterminatrice, ouvrit les portes à l'irréparable : dans les heures qui suivirent, les massacres commencèrent, nourris par les discours incendiaires et les listes de proscription préparées de longue date par ce cercle de pouvoir.

Il convient de rappeler que le foyer d'influence constitué autour d'Agathe Habyarimana, souvent désigné sous le nom d'" Akazu ", n'était pas un groupuscule secondaire mais bien le cœur du dispositif idéologique et militaire. C'est là que furent conçues les stratégies de propagande, les plans de distribution d'armes et les consignes adressées aux milices Interahamwe.

A ce titre, l'assertion d'une absence de charges suffisantes, retenue récemment par la justice française dans un non-lieu controversé, paraît difficilement conciliable avec l'abondance documentaire et la cohérence des récits qui attestent de son engagement actif dans la mécanique génocidaire.

Entre protection française et activisme post-génocidaire

L'historien Vincent Duclert rappelle à juste titre que l'évacuation d'Agathe Habyarimana de Kigali, le 9 avril 1994, par les forces françaises agissant sur ordre exprès du président François Mitterrand, ne saurait effacer son rôle ni atténuer ses responsabilités. Les archives démontrent en outre que son activisme ne s'interrompit pas une fois réfugiée en France : elle continua d'entretenir des liens avec les génocidaires en fuite, facilitant leurs actions politiques et médiatiques, contribuant à semer le doute et la confusion dans l'opinion internationale.

C'est pourquoi la décision de non-lieu prononcée par les juges d'instruction suscite une vive perplexité chez les historiens, les associations de rescapés et le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR).

Comme l'a exprimé Vincent Duclert, " un complément d'enquête s'impose clairement ", tant les archives accumulées au fil des années mettent en lumière l'implication profonde et persistante d'Agathe Habyarimana dans l'entreprise criminelle.

Une exigence morale et judiciaire incontournable

En définitive, l'affaire dépasse de loin la seule question procédurale. Elle interroge la capacité de la justice française à tenir compte du faisceau impressionnant de preuves et d'analyses qui convergent toutes vers une même conclusion : le rôle déterminant de la veuve du président Habyarimana dans la machinerie du génocide. Nul ne saurait se réfugier derrière le silence des archives, car celles-ci parlent, et elles parlent avec clarté.

La mémoire du génocide des Tutsi, qui fut l'un des crimes les plus méthodiquement planifiés du XXe siècle, exige que nul acteur de premier plan ne puisse échapper indéfiniment à la justice, fût-il protégé par des réseaux politiques ou par la complexité des procédures.

La formule du Conseil d'État conserve ici toute sa portée : " des raisons sérieuses " existent, et elles imposent, au nom de la vérité historique et de la dignité des victimes, que l'impunité ne devienne pas le dernier refuge d'Agathe Habyarimana.

En octobre 2009, le Conseil d'État français avait confirmé le rejet de la demande d'asile d'Agathe Kanziga Habyarimana, évoquant des " raisons sérieuses de penser qu'elle a commis un crime contre l'humanité "

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Agathe-Habyarimana-face-au-poids-inexorable-de-l-Histoire-et-de-la-justice.html

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