
Loin des postures condescendantes ou des analyses approximatives, Alain Destexhe, fort d'une expertise rigoureuse et d'un sens aigu de la véracité, livre une lecture sans fard des réalités invisibles qui régentent la tragédie congolaise contemporaine. Son témoignage constitue une mise à nu des logiques ténébreuses à l'uvre dans l'Est du pays, et il faut, à ce titre, le scruter avec soin et le méditer sans réserve, tant il sépare le bon grain de l'ivraie.
Au cur de son enquête de terrain, c'est l'impensable qui surgit avec une cohérence glaçante : les FDLR, pourtant désignées comme organisation terroriste par les nations unies et les Etats Unis, sont aujourd'hui totalement intégrées dans les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), tant au niveau opérationnel que hiérarchique.
Selon les sources croisées par Destexhe, leur effectif aurait doublé depuis qu'ils reçoivent armes, soldes et équipement de la part du régime de Félix Tshisekedi, dans le cadre de sa croisade contre le M23. Si les FDLR disposent de structures militaires bien plus disciplinées et efficaces que les FARDC elles-mêmes, ils participent désormais pleinement à la chaîne de commandement, dans une symbiose qui confine à l'aberration stratégique.
Les témoignages recueillis par le sénateur honoraire belge lors de son passage au Kivu sont à la fois saisissants et accablants. L'un d'eux, celui d'un enfant-soldat enrôlé de force à l'âge de treize ans et demeuré six années dans les rangs des FDLR, affirme sans ambages avoir perçu sa solde, 120 dollars mensuels, via l'armée régulière congolaise, à compter de l'année 2022.
Un autre témoignage, émanant d'un capitaine en poste à la défense de la mine stratégique de Rubaya, fait état d'une coordination intégrale entre les FARDC, les milices Wazalendo et les unités des FDLR : ravitaillement aérien, ordres opérationnels, stratégies de défense, tout se faisait en parfaite harmonie.
Ce qui était hier encore suggéré à demi-mot se dévoile aujourd'hui avec une limpidité tragique : le gouvernement congolais, en s'alliant structurellement avec les FDLR, a franchi une ligne rouge aux conséquences géopolitiques et éthiques majeures.
Plus grave encore, cette fusion n'est pas conjoncturelle. Après trois décennies de connivences souterraines, de nombreux cadres du FDLR, souvent mieux formés, mieux disciplinés que leurs homologues congolais ont été absorbés dans les FARDC, parfois même à des postes de commandement sensibles. Une telle perméabilité, fruit d'une stratégie du pire, discrédite tout projet de réforme militaire sérieux et rend illusoire la promesse de restaurer l'autorité de l'État dans l'Est.
Et pourtant, la communauté internationale continue de détourner le regard, prisonnière d'une diplomatie feutrée où les indignations sélectives dictent l'agenda. Le silence sur cette réalité constitue non seulement une faute politique, mais aussi une trahison des principes fondamentaux du droit international humanitaire.
Les FDLR bénéficient même de relais dissimulés au sein d'ONG européennes, parfois sous couvert de défense des droits de l'homme, participant ainsi à l'édification d'un écran de respectabilité pour une organisation que l'on persiste, à juste titre, à désigner comme terroriste.
Ainsi, conclut Alain Destexhe, toute réforme crédible passe inévitablement par un assainissement radical de l'appareil militaire congolais, aujourd'hui gangrené par des alliances contre-nature. Se débarrasser des FDLR ne relève plus de la simple volonté politique : c'est une exigence existentielle pour la paix, la justice et la souveraineté véritable du peuple congolais. En mettant au jour ce que d'aucuns préfèrent taire, le sénateur honoraire rappelle une vérité que les puissants aiment à ignorer : l'histoire, tôt ou tard, juge ceux qui ont su voir et ceux qui ont choisi de se taire.

Tite Gatabazi