
Ces volutes, chargées de monoxyde de carbone et d'autres résidus de combustion, ne constituent certes aucun péril sanitaire immédiat, car elles évoluent à haute altitude. Néanmoins, leur présence visible dans le ciel, signalée par des crépuscules aux reflets orangés et un voile brumeux persistant, agit comme un symptôme visuel du dérèglement climatique global.
Les provinces canadiennes du Manitoba et de la Saskatchewan, victimes d'une sécheresse persistante et anormale, connaissent actuellement un début de saison des feux d'une violence sans précédent. L'État d'urgence y a été décrété, des milliers de citoyens évacués, et des dizaines de milliers d'hectares livrés aux flammes. Ce scénario infernal, qui tend à devenir la norme, s'inscrit dans un contexte planétaire d'embrasement climatique, où les écosystèmes, surchauffés, s'enflamment à la moindre étincelle.
Selon les experts du programme européen Copernicus (CAMS), un premier panache de fumée a traversé la Méditerranée mi-mai, atteignant la Grèce et l'Orient méditerranéen. Un second, bien plus massif, a touché le nord-ouest de l'Europe au début du mois de juin, et d'autres sont attendus dans les jours à venir. Ces masses de particules, bien qu'évoluant dans les couches supérieures de l'atmosphère, témoignent d'un effondrement silencieux, d'une planète qui étouffe sous les conséquences de ses propres déséquilibres.
Car le Canada n'est pas seul à être la proie des flammes. À des milliers de kilomètres de là, dans les immensités orientales de la Russie, les forêts de Sibérie notamment à l'Est du lac Baïkal sont ravagées par des incendies colossaux depuis le mois d'avril. On estime que ces brasiers ont déjà relâché plus de 35 mégatonnes de carbone dans l'atmosphère. Il s'agit là d'une véritable bombe climatique, contribuant à l'accélération du réchauffement mondial.
Ces manifestations violentes et récurrentes ne sont pas les caprices erratiques d'une nature fantasque, mais les signes avant-coureurs d'un basculement systémique. Le réchauffement climatique nourri par les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, la déforestation massive, la surexploitation des sols crée un terreau favorable à l'expansion des incendies de forêt, à l'aridification des terres, et à la prolongation des saisons sèches. Le climat devient un facteur d'amplification de tous les extrêmes.
Selon les autorités canadiennes, les mois à venir pourraient être "bien au-dessus de la moyenne" en termes de danger pyroclimatique, notamment en raison d'une sécheresse qualifiée de "grave ou extrême" dans plusieurs provinces. Le feu, désormais, ne se contente plus de consumer des territoires : il emporte avec lui les illusions d'une stabilité climatique, révélant crûment l'étendue de la crise écologique.
Ainsi, les fumées qui dérivent au-dessus de l'Europe, loin d'être de simples volutes éthérées, sont les messagères d'un monde qui vacille. Ce sont les ombres flottantes d'un désordre global, les prémices visibles d'un effondrement lent mais inexorable. Le ciel nous parle, encore faut-il vouloir l'écouter.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Le-ciel-europeen-s-empourpre-sous-l-haleine-enflammee-du-Canada.html