Le complexe belge en RDC : L'illusion de la pertinence #rwanda #RwOT

webrwanda
0

Cet homme, c'est Maxime Prévot, Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de Belgique. Le bus, dans ce cas, représente l'équation géopolitique mouvante en République démocratique du Congo (RDC) et ses enchevêtrements régionaux complexes.

Et le faux conducteur, qui jette des regards nerveux dans le rétroviseur, n'est autre que Félix Tshisekedi, Président de la République démocratique du Congo â€" ou, comme la Belgique aimerait peut-être le considérer, son ministre chargé des Affaires congolaises.

Le safari diplomatique de Prévot

Le 28 avril 2025, le Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de Belgique, Maxime Prévot, a rencontré le Président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, à Kinshasa, dans le cadre d'une grande tournée régionale qui l'a également conduit en Ouganda et au Burundi.

L'objectif affiché ? Contribuer à une " résolution durable " du conflit dans l'est du Congo. Mais derrière les déclarations lisses à la presse et les séances photo soigneusement orchestrées, une vérité simple se dessine : la Belgique tente de réaffirmer son influence là où sa crédibilité s'est effritée, et où sa présence sonne désormais creux.

En d'autres termes, elle semble chercher d'anciens alliés pour arbitrer de nouvelles réalités. Le pèlerinage diplomatique de Prévot ressemble davantage à une chasse désespérée à la pertinence qu'à une mission structurée.

De Kampala à Bujumbura, il a collectionné les assurances politiques comme on collecte des autographes dans une convention oubliée.

En Ouganda, il aurait sollicité l'aide du Président Museveni pour rétablir les liens rompus entre la Belgique et le Rwanda â€" une démarche aussi embarrassante que révélatrice. Il aurait imploré Museveni d'intercéder afin que le Rwanda accepte à nouveau de répondre aux appels de la Belgique.

Museveni, maître de la realpolitik régionale, a dû esquisser un sourire intérieur devant l'ironie de la situation : l'ancien administrateur colonial du Rwanda en train de demander à un autre dirigeant africain de l'aider à rétablir le contact avec Kigali.

Oui, le même Rwanda qui avait déjà rompu ses relations diplomatiques avec la Belgique, celle-ci s'étant autoproclamée à la fois juge et partie dans un conflit qu'elle ne comprend ni ne maîtrise réellement.

Depuis l'Ouganda, Prévot s'est rendu au Burundi, murmurant des mots doux au Président Évariste Ndayishimiye et lui promettant soutien et solidarité.

Il a offert ce soutien à Ndayishimiye, davantage en raison de son alignement avec Tshisekedi que par réel intérêt pour les affaires burundaises.

Pourquoi ? Parce que le Burundi soutient Tshisekedi et, par ricochet, les intérêts par procuration de la Belgique dans la région.

C'est le prix que la Belgique est prête à payer pour pouvoir murmurer à l'oreille de Kinshasa : louer les amis de ses amis, même si ces amitiés reposent sur l'opportunisme et le déni.

Ce n'est pas une politique étrangère. C'est une chorégraphie désespérée de symboles, en quête d'une substance stratégique.

L'absurdité serait pathétique si elle n'était pas aussi constante : écartée des processus de paix régionaux, la Belgique tente désespérément de revenir dans le jeu en s'appuyant sur ceux qui acceptent encore de flatter son sens exagéré de sa propre importance.

De retour à Kinshasa, Prévot a rencontré non seulement le Président Tshisekedi, mais aussi sa toute nouvelle Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, ainsi que d'autres hauts responsables.

Il a répété les discours habituels : la Belgique soutient l'intégrité territoriale de la RDC, condamne l'implication du Rwanda aux côtés des rebelles du M23, et se pose en défenseur des droits de l'homme. Pourtant, cette rhétorique ressemble désormais à un disque rayé, diffusé pour un public qui a changé de fréquence.

Plus tard, il a de nouveau rencontré le Président Tshisekedi, tentant de présenter sa visite comme une intervention de principe. Il a parlé solennellement de " l'intégrité territoriale " du Congo et des " souffrances du peuple congolais ".

Mais sa réelle préoccupation semblait être le malaise croissant à Bruxelles face à deux développements majeurs :

a) les États-Unis qui, discrètement, négocient la paix et des accords entre le Rwanda et la RDC ;

b) la déclaration de cessez-le-feu de Doha, que la Belgique n'a ni initiée ni influencée.

L'ironie est manifeste : la Belgique s'inquiète de voir la RDC assise confortablement dans un bus conduit par des intérêts qu'elle désapprouve â€" en particulier la coopération croissante entre les États-Unis et le Rwanda dans le secteur des minerais. Pourtant, elle ne semble pas réaliser qu'elle n'a même jamais été invitée à monter à bord de cette étape du voyage.

Autrefois perçue comme un médiateur, la Belgique est désormais considérée par Kigali comme partiale, voire toxique, en raison de son parti pris flagrant et de son rôle moteur dans l'adoption de sanctions de l'Union européenne contre le Rwanda, sans réel consensus.

Le Rwanda a rompu les relations diplomatiques, rendant la Belgique inapte à jouer un rôle de médiation. Pourtant, Maxime Prévot s'obstine à dire que la Belgique peut contribuer depuis la touche â€" comme si applaudir la paix depuis les gradins pouvait arrêter une guerre sur le terrain. C'est l'équivalent diplomatique d'envoyer un message à un ex après avoir été bloqué : pathétique et inefficace.

Il a assuré aux journalistes congolais et belges que Bruxelles ne cherche ni à se donner en spectacle ni à flatter des égos. Mais tout, dans ce voyage, laissait penser le contraire. Lorsque le Rwanda a fermé la porte diplomatique, la Belgique a continué à frapper, allant même chez les voisins dans l'espoir que quelqu'un d'autre lui ouvre.

Encore plus révélatrice fut la réaction de la Belgique face au discret réchauffement des relations entre la RDC et le Rwanda. Malgré l'hostilité affichée publiquement, Kinshasa a signé des accords avec Kigali â€" comme celui portant sur le raffinage des minerais congolais au Rwanda â€" car, disons-le franchement, la géopolitique repose moins sur les émotions que sur les intérêts. Les États-Unis l'ont compris. La Belgique, apparemment, non.

Pendant ce temps, les critiques internes à l'égard du gouvernement Tshisekedi s'amplifient. Les médias belges, peut-être sans le vouloir, ont mis en lumière le caractère ubuesque de la gouvernance en RDC.

Des experts congolais en finances publiques ont levé le voile sur l'ampleur du dysfonctionnement : détournements de fonds publics, contrats de développement surfacturés, projets d'investissement voués à l'échec. L'un d'eux affirme même qu'aucun projet majeur lancé sous le mandat de Tshisekedi n'a abouti.

Des accusations graves circulent, selon lesquelles le président empocherait personnellement un million d'euros par an, tandis qu'il accueille les émissaires internationaux avec de grands discours moralisateurs plutôt que des réformes concrètes.

Dans certaines régions, les banques seraient paralysées depuis des mois, contraignant les fonctionnaires à verser des pots-de-vin pour accéder à leurs propres salaires. Voilà l'État que la Belgique choisit de défendre.

À son crédit, Maxime Prévot a abordé ces problèmes lors de sa rencontre avec Tshisekedi. Il a parlé de réformes, de justice et de responsabilité. Mais difficile de ne pas percevoir le vide de ces appels quand la Belgique persiste à se comporter comme un parent protecteur face à un enfant adulte qui refuse de ranger sa chambre â€" ou d'équilibrer son budget.

Au-delà de l'incompétence et de la corruption, une réalité plus profonde s'impose : la RDC semble de moins en moins gouvernée depuis Kinshasa, et de plus en plus depuis Bruxelles.

Tshisekedi porte peut-être le titre de président, mais son administration ressemble de plus en plus à un poste avancé d'une ancienne puissance coloniale â€" répondant aux appels venus de la capitale belge et récitant les éléments de langage dictés par celle-ci.

Sur les questions cruciales de paix, de ressources minières ou de diplomatie, Tshisekedi ne dirige pas â€" il obéit. Il répète.

Trop tard ou déjà perdu

Dans cette mise en scène, la Belgique n'a pas renoncé au contrôle ; elle a simplement modernisé ses instruments coloniaux. Là où l'on trouvait jadis des commandants militaires et des quotas de caoutchouc, il y a désormais des " partenaires de développement ", des conférences de presse et des tournées diplomatiques savamment mises en scène.

Les ordres viennent toujours du même endroit, mais ils sont désormais rédigés dans le langage de la coopération internationale.

Ne nous laissons pas berner. Le Congo n'est pas un conducteur indépendant ; c'est plutôt un bus en pilote automatique, télécommandé depuis Bruxelles via l'oreillette Bluetooth de Tshisekedi.

À chaque déclaration de souveraineté, la Belgique se trouve là, prête à préciser à quoi cette souveraineté devrait ressembler. Maxime Prévot a beau affirmer que la Belgique ne souhaite plus jouer le rôle de médiateur, elle entend toujours dicter la marche à suivre.

La triste réalité, c'est que la RDC ne mène ni son propre processus de paix, ni sa politique minière, ni même sa diplomatie. Ce rôle semble de plus en plus délégué â€" à la Belgique quand c'est possible, aux États-Unis quand c'est stratégique, et au Qatar quand c'est commode.

Dans ce théâtre géopolitique, Tshisekedi joue moins le rôle d'un chef d'État que celui d'un directeur régional grassement rémunéré, qui rend compte au siège.

Alors que la tournée diplomatique de Maxime Prévot touche à sa fin, une chose est claire : la Belgique n'est peut-être plus au volant, mais elle insiste encore pour choisir l'itinéraire. Et tant que Tshisekedi s'y prête, la RDC restera un passager à l'arrière â€" feignant de diriger, pendant que Bruxelles pilote à distance.

Mais si la Belgique est ce passager qui a raté le bus, la RDC est ce voyageur qui refuse d'admettre que quelqu'un d'autre tient le volant. Le Président Tshisekedi se présente comme un commandant en chef, alors que sa maîtrise de la situation dans l'est du pays tient davantage de l'illusion que de la réalité.

La récente déclaration de cessez-le-feu de Doha et les accords négociés par les États-Unis avec le Rwanda démontrent que les véritables leviers de paix ne sont pas actionnés depuis Kinshasa, mais par des puissances extérieures et des acteurs régionaux.

Pendant ce temps, dans cet édifice qui se fissure, la Belgique tape aux vitres, exige des réformes, réclame des comptes. Mais dans quel but, au juste ?

La Belgique joue la carte des principes, mais perd de l'influence. Maxime Prévot affirme que son pays agit par principe â€" ni par égo, ni par calcul géopolitique. Pourtant, cette posture de principe n'a produit aucun résultat tangible.

Le Rwanda l'a déjà écartée. L'Ouganda l'écoute poliment mais ne s'engage à rien. Le Burundi accepte les compliments, mais se contente de hochements de tête courtois.

La RDC, de son côté, utilise le soutien de la Belgique comme une couverture internationale, tout en approfondissant la désorganisation interne et en signant des accords pragmatiques avec ceux que la Belgique rejette.

La preuve la plus accablante de l'irrélevance de la Belgique n'est pas que Kigali l'ignore, mais bien que Kinshasa n'en a presque plus besoin.

Dans cette réalité fragmentée, la Belgique ressemble à une personne distribuant un code de la route pendant que d'autres construisent des autoroutes.

Son insistance sur le " principe d'intégrité territoriale ", alors que les élites congolaises pillent l'État, relève du théâtre diplomatique.

Au final, la tournée régionale de Maxime Prévot en dit plus sur la nostalgie de la Belgique pour un rôle révolu que sur les besoins réels de la région aujourd'hui.

Autrefois autoproclamée gardienne de l'Afrique centrale, la Belgique se retrouve désormais à s'agripper à de vieilles cartes, tentant de guider depuis la banquette arrière d'un véhicule qu'elle ne possède plus, ne conduit plus, et ne comprend même plus.

Le bus est parti. Le Rwanda redessine les chaînes d'approvisionnement en minerais avec le soutien des États-Unis. L'Ouganda, lui, reste silencieusement puissant et calculateur.

Le Burundi joue sur plusieurs tableaux. Quant à la RDC, ivre de victimisation et prompte à rejeter la faute sur les autres, se satisfait volontiers de la compassion belge tout en refusant toute réforme.

Peut-être la Belgique devrait-elle cesser de courir après le bus et prendre le temps de comprendre où il va. Car pour l'instant, ses efforts ne sont guère plus qu'un exercice de nostalgie diplomatique dans un monde qui a dépassé les relents du colonialisme.

Le Congo est devenu un État client qui se donne des airs de république souveraine, et son prétendu dirigeant, un envoyé de luxe des intérêts belges.

Peut-être est-il temps d'arrêter de l'appeler " Président de la République Démocratique du Congo " et d'adopter un titre plus exact : " Ministre des Affaires Congolaises â€" Antenne de Bruxelles ".

Et si quelqu'un croit encore que Tshisekedi gouverne pour les Congolais, qu'il explique pourquoi les applaudissements les plus nourris qu'il reçoit ne viennent ni de Goma ni de Bukavu, mais de salles climatisées à Bruxelles.

Maxime Prévot, Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de Belgique.

Tom Ndahiro



Source : https://fr.igihe.com/Le-complexe-belge-en-RDC-L-illusion-de-la-pertinence.html

Enregistrer un commentaire

0Commentaires

Enregistrer un commentaire (0)