
Cette dérive autoritaire, dissimulée sous les oripeaux d'une indignation instrumentalisée, repose sur la fabrique méthodique du mensonge, un mensonge stratégique, dont la fonction n'est plus tant de convaincre que de saturer l'espace public, d'étouffer toute voix dissonante et de redessiner les lignes de la légitimité selon les caprices d'un pouvoir à la fois vacillant et féroce.
Ce n'est plus l'information mais la sidération qui est recherchée, par la répétition incantatoire de syntagmes martiaux, la diabolisation systématique de l'altérité, et la réécriture permanente de la mémoire immédiate. Là où l'État devrait être garant de la vérité républicaine, il devient le metteur en scène d'un simulacre tragique, où l'on entretient la peur pour mieux asseoir l'oubli.
Il est désormais évident que la République démocratique du Congo vit sous le joug d'un pouvoir dont la communication officielle ne relève plus ni de l'information ni de la pédagogie civique, mais d'un vaste mécanisme de brouillage systématique des faits, où se conjuguent l'omerta médiatique, la manipulation émotionnelle et une rhétorique saturée de haine identitaire.
Au cur de ce dispositif, l'on retrouve des relais zélés, souvent promus au cur même des structures de l'État et de l'appareil de propagande, prompts à orchestrer une inversion accusatoire savamment dosée : les agresseurs deviennent les agressés, les dénonciateurs de crimes sont désignés comme traîtres, et toute pensée dissidente est immédiatement renvoyée à la catégorie infâme de la " collaboration avec l'ennemi ".
Ce schéma d'une prévisibilité consternante repose sur un triptyque désormais bien rôdé : dissimuler, simplifier, haïr. Les termes sont choisis avec une redondance pathologique infiltration, trahison, agression, comme pour substituer l'incantation à l'analyse, l'émotion brute à la rigueur factuelle.
On évoque les très nombreuses victimes civiles, certes bien réelles et tragiques, mais en occultant soigneusement la part active de responsabilité des FARDC, des FDLR, des milices Wazalendo et de tous ces acteurs armés instrumentalisés par un pouvoir à bout de souffle.
Ce mensonge structurel, érigé en doctrine de gouvernement, n'a d'autre finalité que de maintenir à flot un régime discrédité par une gouvernance erratique, autoritaire et foncièrement disjointe des réalités du terrain.
Le cas de Patrick Muyaya, ministre de la Communication omniprésent sur toutes les antennes, illustre à lui seul cette stratégie de l'épuisement discursif : à force de surenchère et de saturation médiatique, on espère effacer les contradictions, faire taire les silences gênants, diluer la vérité dans un flot ininterrompu d'approximations. Mais le verbe, même répété à l'infini, ne saurait conjurer le réel. La propagande ne guérit pas les blessures, et encore moins les humiliations accumulées.
Dans cet univers orwellien où les discours s'inversent et les faits s'effacent, les soutiens les plus fervents du pouvoir congolais tribunes complices, influenceurs appointés, médias d'État rebaptisés en agences de conditionnement collectif s'illustrent par une hostilité viscérale à tout ce qui relève de l'altérité, dans une surenchère identitaire qui flirte dangereusement avec les logiques de purification symbolique.
Lorsque le rouge (de la violence impunie) commence à se confondre avec le brun (de l'idéologie haineuse), l'on retrouve invariablement les mêmes procédés : brouiller les messages, sélectionner les cibles, réécrire les responsabilités à l'aune d'une communication élastique et circonstancielle.
Mais voici que Doha et Washington viennent bousculer les équilibres artificiels. L'international, lassé de la fiction victimaire et du désordre organisé, exige clarté, redevabilité et restructuration profonde des narratifs d'État. Il va falloir, pour Kinshasa, opérer un réajustement radical, à moins de vouloir s'enfermer dans une logique de solitude diplomatique dont les conséquences seront irréversibles.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Haro-sur-l-omerta-a-Kinshasa.html