Deux papes, deux visions à travers l'étoffe d'un pontificat #rwanda #RwOT

webrwanda
0

Ce dépouillement inaugural ne fut pas anodin : il était l'énonciation muette d'un programme spirituel, d'un pontificat placé sous le signe de l'abaissement, de la proximité évangélique, d'une réforme intérieure douloureuse mais urgente. Ce blanc nu, presque ascétique, résonnait comme un refus d'apparat, une mise à nu symbolique de la papauté elle-même, dépouillée des fastes pour retrouver l'habitus du Pasteur.

Douze ans plus tard, sur ce même balcon pétrinien, autre silhouette, autre teinte, autre souffle. Le pape Léon XIV, fraîchement élu, se montre à la foule vêtu du rouge et or traditionnels, arborant la mozetta de velours cramoisi ourlée d'hermine et la stola brodée d'or, cet habit que ses prédécesseurs postconciliaires avaient peu à peu relégué aux réserves d'un Vatican en mutation.

Loin d'un simple retour au décorum, ce choix hautement visuel et hautement signifiant s'inscrit dans une volonté assumée de réappropriation du langage symbolique multiséculaire de l'Église. Car dans l'Église catholique, rien, ni les gestes, ni les vêtements, ni les silences, n'est jamais arbitraire.

Le rouge du vêtement pontifical, d'une richesse théologique inouïe, renvoie d'abord au sang des martyrs, à cette Église confessante qui n'est pas une structure administrative, mais une communauté de témoins jusqu'au don de soi. Il renvoie aussi au feu de la Pentecôte, au souffle de l'Esprit Saint qui, à travers les siècles, embrase les coeurs et purifie les institutions.

Et l'or, dans son éclat solaire, est la marque de la gloire divine non pas pour magnifier la personne du pontife, mais pour rappeler que le ministère pétrinien est au service d'une transcendance qui dépasse infiniment l'individu qui l'incarne.

Ainsi, là où François inaugurait un pontificat de rupture silencieuse, presque franciscaine, Léon XIV semble vouloir affirmer une continuité avec la tradition liturgique et visuelle de l'Église d'avant les années 1960, réhabilitant par-là même une conception haute du sacré et de l'autorité.

Ce choix de vêture, en apparence anodin pour les regards profanes, constitue en réalité une proclamation. Il signifie que, pour ce nouveau pape, la solennité n'est pas l'ennemie de l'authenticité, et que la beauté du rite peut porter l'âme vers Dieu autant qu'un langage simple.

Faut-il y voir une opposition frontale entre deux papes, une dichotomie irréductible entre humilité et majesté, entre réforme et tradition ? Il serait réducteur et même erroné d'en faire une opposition binaire. Car si François, par son dépouillement, a voulu ramener l'Église aux périphéries, il n'a jamais nié la profondeur théologique du patrimoine liturgique.

Et si Léon XIV fait retour à une liturgie plus solennelle, rien n'indique qu'il renoncera à l'appel au service, à la miséricorde, à l'écoute, fruits mûrs du concile Vatican II.

Il est probable que Léon XIV, en revêtant l'habit ancien, souhaite réconcilier les héritages, réunifier des courants ecclésiaux longtemps opposés, et rappeler au monde que la beauté et la grandeur ne sont pas contraires à l'humilité, si elles sont offertes à Dieu et non érigées en idoles.

Dans un monde saturé de relativisme, où la parole pontificale tend à se diluer dans la cacophonie médiatique, ce retour au symbole est peut-être une tentative de redonner à l'Église sa voix propre non par le volume, mais par la hauteur.

Deux papes, donc. Deux messages, sans doute. Le même balcon, certes, mais peut-être un même désir profond : celui de conduire l'Église vers son Seigneur, l'un par les sentiers de l'austérité missionnaire, l'autre par les fastes sacrés de la mémoire vivante.

Et dans cette tension féconde entre dépouillement et splendeur, se joue peut-être l'avenir d'un catholicisme appelé à ne pas choisir entre passé et futur, mais à les faire dialoguer dans la fidélité.

Léon XIV affirme une continuité avec la tradition d'avant les années 1960, là où François prônait une rupture silencieuse

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Deux-papes-deux-visions-a-travers-l-etoffe-d-un-pontificat.html

Enregistrer un commentaire

0Commentaires

Enregistrer un commentaire (0)