
L'apparition de la Mutuelle des Agriculteurs des Virunga (MAGRIVI) s'impose comme un tournant décisif, un point nodal où se cristallisent les tensions latentes et les luttes sous-jacentes qui parcourent le tissu social. Bien au-delà d'une simple organisation à vocation économique ou associative, elle s'érige en instrument de démarcation, exacerbant les lignes de fracture au sein du corps politique et façonnant un paysage où l'appartenance communautaire devient un critère d'exclusion. Son avènement ne relève pas du simple fait conjoncturel ; il procède d'une dynamique plus profonde, celle d'un cloisonnement méthodique, où les intérêts agricoles ne sont que le voile pudique d'une entreprise aux desseins autrement plus insidieux.
En se parant des oripeaux d'une institution vouée au progrès et à la défense des siens, la MAGRIVI agit comme un puissant levier idéologique, insufflant une logique ségrégationniste qui s'ancre dans les structures mêmes du territoire qu'elle prétend valoriser. Sa rhétorique, habilement articulée autour de la préservation des droits et des ressources, dissimule à peine un dessein hégémonique, où l'exclusion devient principe fondateur et où la solidarité proclamée ne s'applique qu'aux contours d'une identité soigneusement délimitée.
Dès lors, loin d'être un simple acteur du champ agricole, cette mutuelle devient le foyer incandescent d'une redéfinition des rapports de force, substituant à la complémentarité des groupes un antagonisme exacerbé, vecteur d'une fragmentation sociale aux conséquences redoutables.
Dans les années 1980, alors que la prospérité économique et l'ascension sociale des tutsi congolais s'affirmaient comme des réalités tangibles, la crainte d'un renversement des équilibres préétablis s'empara des sphères du pouvoir rwandais sous l'égide du président Juvénal Habyarimana.
Ce dernier, imprégné de l'idéologie du parmehutu et fervent artisan de la doctrine discriminatoire contre les tutsi, conçut et finança la MAGRIVI. Cette mutuelle, bien que se parant d'un vernis agricole, ne tarda pas à dévoiler sa véritable nature : un instrument au service d'une politique d'endiguement, de surveillance et de subversion.
La mission implicite de la MAGRIVI était plurielle. D'une part, elle visait à circonscrire et à freiner l'essor des tutsi congolais, considérés comme une menace existentielle par les tenants du pouvoir hutu rwandais. D'autre part, elle se donna pour tâche de propager une idéologie falsificatrice, où l'Histoire fut méthodiquement travestie afin de légitimer une logique de confrontation interethnique.
Bien plus qu'une organisation à vocation agricole, la Mutuelle des Agriculteurs des Virunga (MAGRIVI) se mua en un véritable bastion idéologique, un creuset où se forgea un récit dichotomique destiné à dresser les Tutsi en antithèse irréductible des autres composantes sociétales de l'Est congolais.
Derrière l'apparente neutralité de ses objectifs déclarés, elle devint le foyer d'une entreprise de recomposition identitaire, où l'agriculture, loin d'être une fin en soi, servait de paravent à une dynamique d'exclusion et de polarisation.
En élaborant une rhétorique subtilement imprégnée de revendications victimaires et d'un discours de légitimité territoriale, elle contribua à l'exacerbation des antagonismes, structurant un imaginaire où la démarcation entre les communautés ne relevait plus seulement de l'histoire ou des contingences sociales, mais d'une volonté méthodique de différenciation et d'hégémonie.
Ainsi, sous le couvert d'une solidarité sectorielle, la MAGRIVI devint l'agent d'une fracture savamment entretenue, où la terre, enjeu premier, se mua en un symbole de possession exclusive et d'assignation identitaire, redéfinissant insidieusement les rapports de force au sein du tissu social congolais.
Dans cette perspective, la MAGRIVI ne se contenta pas d'être un levier de contrôle, elle devint un foyer de diffusion de l'idéologie hutu, nourrissant une animosité savamment orchestrée à l'encontre des tutsi congolais.
En manipulant les représentations collectives et en instillant la défiance entre communautés, elle posa les jalons d'un climat délétère dont les répercussions se firent ressentir bien au-delà de la décennie de sa création. Ainsi, au fil des ans, cette mutuelle se mua en un vecteur insidieux de division, minant toute possibilité de cohabitation harmonieuse et semant les germes d'un conflit aux ramifications bien plus vastes.
L'ampleur de son influence ne saurait être sous-estimée : en déformant les faits historiques et en exacerbant les clivages identitaires, la MAGRIVI participa à l'érosion du tissu social congolais oriental. Ce projet d'ingénierie sociale, conçu pour marginaliser et stigmatiser les tutsi, contribua inéluctablement à la cristallisation des tensions et, par ricochet, à l'embrasement subséquent de la région.
Ainsi, la MAGRIVI ne saurait être perçue comme une simple organisation mutualiste : elle fut un instrument de stratégie géopolitique, une pièce maîtresse d'une entreprise de domination idéologique et d'exclusion systémique.
Sa genèse et son développement illustrent avec acuité la manière dont les conflits identitaires peuvent être artificiellement exacerbés à des fins hégémoniques, laissant derrière eux un sillage de défiance et de discorde, dont les échos résonnent encore aujourd'hui dans l'Est tourmenté du Congo.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/La-Magrivi-est-l-heritiere-du-parmehutu.html