La nomination de Sebahizi s'inscrit dans le cadre d'un remaniement ministériel plus large, qui a également vu Richard Nyirishema devenir Ministre des Sports, succédant ainsi à Aurore Mimosa Munyanganju, et l'Ambassadeur Christine Nkulikiyinka prendre les rênes du Ministère de la Fonction Publique et du Travail, en remplacement de la Professeure Jeannette Bayisenge. Le lundi 19 août 2024, le Ministre Sebahizi a prêté serment aux côtés de 21 autres membres du cabinet, dont la majorité a été reconduite suite à la réélection du Président Paul Kagame pour un nouveau mandat de cinq ans.
Dans une interview exclusive accordée au journal Igihe, Sebahizi a partagé ses ambitions pour guider le Rwanda vers un avenir économique plus équilibré et prospère. Avec plus de deux décennies d'expérience dans les domaines du commerce et de l'industrie, son retour au ministère, cette fois en tant que ministre, est perçu comme un retour aux sources, là où sa carrière dans la fonction publique avait débuté.
Face aux défis auxquels le Rwanda est confronté, tels que les déséquilibres commerciaux, les fluctuations du marché, et la nécessité d'améliorer la productivité industrielle, Sebahizi a souligné sa volonté de bâtir sur les réalisations de son prédécesseur tout en s'attaquant directement à ces problèmes.
Regardant son parcours, Sebahizi a qualifié sa nomination de progression naturelle et s'est dit ravi de revenir au pays pour servir le peuple rwandais après avoir passé environ dix ans à travailler à l'étranger.
Stabilité du marché et lutte contre l'inflation
Sebahizi a une vision claire de son mandat, avec pour objectif principal de stabiliser l'accès au marché, notamment pour les produits agricoles, un secteur clé de l'économie rwandaise. Selon les statistiques de 2023, l'agriculture représentait environ 27% du PIB du Rwanda et employait plus de 60% de la population active, en faisant un pilier incontournable du développement national. Toutefois, ce secteur fait face à de nombreux défis.
Au début du mois de juillet, le rapport sur l'indice des prix à la consommation de l'Institut National de la Statistique du Rwanda (NISR) a révélé une augmentation de l'inflation dans les zones urbaines du pays au cours de la dernière année. Cette hausse a été principalement alimentée par l'augmentation des prix des denrées alimentaires, des boissons et du transport. Entre juin 2023 et juin 2024, les prix des aliments et des boissons ont augmenté de 3,1 %, tandis que ceux du transport ont grimpé de 23,2 %.
" Ma priorité est de consolider les acquis et de m'assurer que les projets en cours ne stagnent pas, tout en poussant vers un progrès rapide. Un autre objectif clé est de résoudre les problèmes du ministère, en particulier ceux liés à l'approvisionnement en produits agricoles. La disponibilité incohérente et l'offre excédentaire occasionnelle peuvent mettre le marché à rude épreuve, entraînant la détérioration des marchandises et une hausse des prix, ce qui affecte gravement les agriculteurs. Cela nécessite des actions urgentes ", a-t-il déclaré.
Pour résoudre ces problèmes, le ministre insiste sur la nécessité de collaborer avec d'autres institutions, notamment le Ministère de l'Agriculture, le Ministère du Gouvernement Local, ainsi que le Ministère des Finances et de la Planification Économique, en accélérant la mise en uvre de mesures visant à garantir la stabilité du marché.
" Le gouvernement surveille constamment la situation et prend des mesures préventives contre l'inflation ", a-t-il assuré. La stratégie du ministre consiste à travailler avec des partenaires régionaux, tels que la Bourse des Matières Premières d'Afrique de l'Est, pour stocker les produits en surplus et les commercialiser en cas de besoin, stabilisant ainsi le marché.
Lutte contre le déséquilibre commercial
L'un des principaux objectifs du nouveau ministre est de s'attaquer au déséquilibre commercial, qui continue de peser sur l'économie rwandaise. Bien que l'économie du Rwanda ait enregistré un taux de croissance impressionnant de plus de 8 % par an au cours de la dernière décennie, le pays reste vulnérable face aux importations.
En juin 2024, le déficit commercial du Rwanda a atteint 411,62 millions USD, soit une augmentation de 30,88 % par rapport à juin 2023, et de 13,71 % par rapport à mai 2024. Cette hausse reflète la disparité croissante entre les importations et les exportations, due à plusieurs facteurs, notamment les fluctuations des exportations locales et l'augmentation des importations.
" Il y a une idée fausse au Rwanda qui veut que le commerce soit synonyme d'importations ", a expliqué Sebahizi. " Le véritable commerce consiste à mettre nos produits locaux sur le marché, tant au niveau national qu'international. "
Le ministre a souligné l'importance d'initiatives telles que " Made in Rwanda ", qui visent à réduire la dépendance aux importations et à promouvoir les produits locaux. En renforçant les industries locales et en encourageant les Rwandais à consommer des produits nationaux, Sebahizi espère améliorer la balance commerciale et stimuler l'économie.
Exploitation du potentiel de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf)
Sebahizi est particulièrement optimiste quant aux opportunités offertes par la ZLECAf. Avec un marché de plus d'un milliard de personnes, la ZLECAf représente une opportunité unique pour le Rwanda et le reste du continent de renforcer le commerce et les investissements.
Cependant, le ministre souligne l'importance de développer les industries locales pour tirer pleinement parti de cette opportunité. " L'Afrique possède un immense potentiel en termes de ressources naturelles et de main-d'uvre ", a-t-il déclaré. " Le défi consiste à investir et à promouvoir les industries locales. En établissant et en développant ces industries, nous devons nous assurer que les bénéfices restent sur le continent et créent de la valeur à long terme pour nos populations. "
Amélioration de la productivité industrielle
Le secteur industriel au Rwanda a connu une croissance significative ces dernières années, avec la création de plusieurs industries à travers le pays. Ces industries sont essentielles à la croissance de l'économie nationale, en offrant des infrastructures aux usines et aux autres secteurs industriels.
Cependant, le ministre Sebahizi reconnaît qu'il reste encore beaucoup à faire. " Le développement des infrastructures est un processus en constante évolution ", a-t-il affirmé. " Nous devons accorder la priorité à ces développements pour nous assurer que nous continuons à bâtir une économie solide et diversifiée. "
En 2023, le PIB du Rwanda a atteint 16,355 milliards USD, avec une contribution de 22 % du secteur industriel.
Alain-Bertrand Tunezerwe