Elles s'inscrivent dans une dynamique profondément alarmante de légitimation publique de la haine ethnique en République démocratique du Congo, et devraient, à ce titre, alerter la conscience humaine dans son ensemble. Car la répétition de ces discours, leur banalisation sur les réseaux sociaux, et surtout l'absence totale de sanctions institutionnelles traduisent un climat où l'incitation à la violence est devenue non seulement tolérée, mais tacitement encouragée.
Tshala Balandi Chancella n'est en rien une voix marginale opérant depuis les franges extrêmes du paysage médiatique. Présente sur X, TikTok, YouTube et Facebook, elle jouit d'une visibilité considérable et d'un accès privilégié aux cercles du pouvoir.
De multiples éléments factuels attestent qu'elle ne se comporte pas comme une journaliste indépendante, mais bien comme un relais actif d'une communication gouvernementale soigneusement orchestrée.
Sa proximité avec Patrick Muyaya, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, homme dont l'empreinte sur l'appareil médiatique congolais est connue ne relève plus du soupçon : elle est documentée, constamment exhibée et désormais irréfutable.
Les contenus circulant publiquement montrent que, loin d'être considérée comme une faiseuse de haine embarrassante, Mme Balandi est reçue, valorisée et, semble-t-il, encouragée par les plus hautes autorités. Alors même qu'en mars 2023 elle appelait explicitement à s'en prendre aux officiers tutsis au sein des Forces armées de la RDC, une injonction gravissime, relevant du registre de l'incitation à la violence ciblée, elle fut accueillie en 2025 par le ministre Muyaya en personne et dans la foulée par le vice-ministre de la Défense, Éliezer Ntambwe.
Les images ayant circulé sur leurs différentes plateformes illustrent une proximité assumée, une connivence idéologique que rien ne vient masquer, et surtout, un soutien implicite à sa rhétorique déshumanisante.
Cette convergence, loin d'être anecdotique, révèle l'existence d'un écosystème politico-médiatique où l'hostilité ethnico-identitaire sert de levier stratégique. Il apparaît désormais avec une netteté glaçante que certains membres du gouvernement en exercice ne se contentent pas de laisser prospérer la haine : ils s'entourent, consciemment, de celles et ceux qui l'alimentent, l'amplifient et la normalisent.
La présence de Tshala Balandi dans l'entourage communicationnel de Patrick Muyaya ne saurait être interprétée autrement que comme une caution donnée à son discours. Elle valide la thèse selon laquelle les discours de haine, loin d'être un sous-produit déviant du paysage congolais, constituent un instrument politique utilisé, cultivé et protégé.
A ce stade, il ne s'agit plus de dénoncer une simple porosité entre figures médiatiques extrémistes et l'appareil d'État : il s'agit de constater une affinité idéologique manifeste, une communauté d'intention que les images publiques, les audiences officielles et les interactions continues rendent indéniable. Cette connivence, devenue patente, démontre que la haine ethnique ne prospère pas malgré les autorités, mais bien avec leur complicité active, qu'elle soit tacite ou explicite.
Ainsi, le cas Tshala Balandi Chancella ne révèle pas seulement le délitement moral d'une journaliste en quête de sensationnalisme. Il dévoile, dans toute sa crudité, une stratégie politique délétère où la stigmatisation de groupes entiers en particulier les Tutsis et les Banyamulenge sert de carburant à la gouvernance nationale, dans une logique de diversion, de polarisation et de mobilisation affective.
Il confirme, enfin, que les mécanismes institutionnels chargés de protéger la cohésion nationale ont été dévoyés au profit d'une instrumentalisation dangereuse du ressentiment identitaire.
Dans ces conditions, il devient impossible de dissocier les propagateurs de haine des détenteurs du pouvoir : leurs discours se répondent, leurs intérêts convergent, leurs actions se légitiment mutuellement.
Et tant que ce pacte tacite demeurera en vigueur, la République démocratique du Congo restera exposée au spectre de violences cycliques nourries depuis les plus hautes sphères de l'État.
Tite Gatabazi