La parole diplomatique entre théâtre politique et désaveu de Doha #rwanda #RwOT

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Il a, en effet, précisé que cette reprise de dialogue constituait le préalable attendu par Washington avant une convocation commune de lui-même et de son homologue rwandais autour du président Donald Trump, en vue d'" entériner les deux accords : Doha et Washington ".

Traduit dans un langage plus dépouillé, cela signifie que Kinshasa s'apprête à parapher un accord politique et sécuritaire avec l'AFC/M23, puis à en conclure un autre avec Kigali, sous la médiation américaine.

Pourtant, dans le même souffle, le chef de l'État congolais a livré devant la diaspora un discours d'une virulence sans équivoque : selon lui, le Président Kagame nourrirait des " intentions belliqueuses et hégémoniques ", son dessein ultime étant de " scinder " la République démocratique du Congo et " d'annexer la partie Est, riche en ressources minérales et agricoles ".

Cette rhétorique incendiaire, destinée à galvaniser une opinion publique épuisée par la guerre et les frustrations nationales, entre en contradiction flagrante avec la dynamique diplomatique qu'il affirme lui-même enclencher. Elle trahit une tension fondamentale entre la posture martiale intérieure et la contrainte de la realpolitik internationale.

Ce double langage ne saurait masquer une vérité plus embarrassante : c'est bien Kinshasa qui, dans les faits, s'est affranchi de l'esprit et de la lettre de la déclaration de principe de Doha. Cette dernière, arrachée au prix d'âpres négociations, engageait les parties à un cessez-le-feu immédiat et à un ensemble de mesures de confiance mutuelle : libération des Tutsi congolais arbitrairement détenus ou victimes de persécutions identitaires, réouverture des banques et institutions financières injustement fermées, restauration des libertés civiles et du droit à la mobilité. Or, ces engagements, au lieu d'être mis en œuvre, furent promptement violés ou vidés de leur substance, révélant le peu de cas que le gouvernement congolais fait de la parole donnée.

Derrière le vernis diplomatique, la séquence égyptienne apparaît ainsi comme une tentative laborieuse de réécriture narrative. Le président Tshisekedi cherche à projeter sur Kigali la responsabilité d'un échec dont les ressorts résident avant tout à Kinshasa : incapacité à instaurer un véritable climat de confiance, persistance d'un discours discriminatoire à l'égard d'une partie de la population congolaise, et instrumentalisation du conflit à des fins électoralistes et nationalistes.

En invoquant un " complot d'annexion ", le pouvoir congolais s'offre le confort rhétorique de la victime, tout en éludant la responsabilité politique de ses propres défaillances.

Les accords de Doha, puis de Washington, avaient pour ambition de redonner une chance à la paix dans la région des Grands Lacs, en substituant au langage des armes celui du droit et de la coopération.

Or, la duplicité des discours et la violation des engagements minent la crédibilité même de cette architecture diplomatique. L'histoire récente de la RDC enseigne pourtant qu'aucune paix durable ne saurait se bâtir sur le ressentiment ni sur la dissimulation. Le véritable courage politique ne consiste pas à désigner un ennemi commode, mais à reconnaître les fautes commises, à réparer les injustices et à restaurer la confiance des citoyens dans l'État de droit.

Ainsi, loin d'être un simple épisode protocolaire, l'épisode égyptien révèle le dilemme existentiel d'un pouvoir oscillant entre le calcul diplomatique et la démagogie patriotique. Si Félix Tshisekedi veut inscrire son nom dans l'histoire comme un artisan de la réconciliation nationale et régionale, il lui faudra, tôt ou tard, choisir entre le confort des discours populistes et la rigueur des engagements internationaux.

Le dialogue annoncé n'aura de sens que s'il s'accompagne d'un renoncement sincère à la politique de la peur et de la suspicion, et d'un retour loyal à l'esprit de Doha, celui d'une paix fondée sur la vérité, la justice et la reconnaissance mutuelle.

L'annonce de Félix Tshisekedi depuis l'Égypte sur la reprise des discussions avec l'AFC/M23 cette semaine a ressemblé à une confession involontaire

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/La-parole-diplomatique-entre-theatre-politique-et-desaveu-de-Doha.html

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