La famille de Juvénal Habyarimana : le symbole d'une décadence morale #rwanda #RwOT

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Le soir du 6 avril 1994, deux présidents, Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi, furent tués lorsque leur avion fut touché par deux missiles sol-air près de Kigali. Les deux hommes, leurs collaborateurs et l'équipage français périrent sur le coup. De nombreuses expertises ont longtemps indiqué que les missiles avaient été tirés depuis le camp militaire de Kanombe, suggérant un complot interne plutôt qu'une attaque extérieure.

Mais, cette histoire ne porte ni sur le " qui " ni sur le " pourquoi " de cette nuit fatidique. Elle porte sur ce qui suivit. Sur l'assourdissant silence d'une famille qui abandonna non seulement un pays, mais aussi les corps mêmes de ceux qu'elle prétendait aimer. Dans des circonstances humaines normales, en vertu même des lois les plus élémentaires de la décence, on s'attendrait à un deuil national, à des funérailles d'État solennelles, à une enquête sur la mort de deux chefs d'État. Au moins, à ce dernier acte d'amour qui réaffirme la valeur de la vie.

Au lieu de cela, la mort du président devint le prétexte non pas à la justice, mais à la campagne d'extermination la plus organisée et la plus planifiée de la fin du XXᵉ siècle : le génocide contre les Tutsi. Le crash de l'avion fut immédiatement requalifié en signe divin, celui que le moment était venu de " travailler ". En quelques heures, les milices Interahamwe, la Garde présidentielle et l'appareil radiophonique de l'État se mirent en action. Les listes de Tutsi étaient déjà prêtes.

Et dans ce chaos, tandis que les machettes étincelaient et que les ondes radiophoniques hurlaient à la mise à mort, quelque chose d'autre se produisit, quelque chose qui en dit plus que n'importe quelle commission d'enquête historique : la première famille prit la fuite, abandonnant derrière elle ses morts.

La fuite des vivants abandonnant les morts

À peine trois jours après le crash de l'avion, le 9 avril 1994, un avion militaire français décolla de Kigali. À son bord se trouvaient Agathe Kanziga Habyarimana, ses enfants et un cercle rapproché d'alliés. Ils s'envolèrent vers la sécurité alors que le Rwanda brûlait. Mais ce qui rendit cette fuite particulièrement grotesque, c'est qu'ils laissèrent derrière eux les dépouilles de leur mari, père et frère.

Le corps du président Habyarimana gisait à la morgue de l'hôpital militaire de Kanombe. À ses côtés se trouvait le colonel Élie Sagatwa, frère d'Agathe Kanziga et secrétaire particulier du président. Les deux hommes, dont le pouvoir avait façonné une ère de peur et de division, n'étaient plus que des cadavres, sans sépulture, sans veille et abandonnés par ceux à qui ils étaient redevables, au minimum, d'une dernière prière. Leur sang n'avait pas encore séché que leur famille montait à bord d'un avion français pour quitter le pays. Personne ne prit la peine de demander : qui a enterré le Président ? Qui a enterré le colonel Sagatwa ?

Même dans la mort, ces deux figures centrales de la famille furent traitées comme des instruments jetables, des outils usés dans une conspiration trop vaste pour laisser place au moindre sentiment.

Dans de nombreuses cultures, l'enterrement est l'acte ultime d'amour, le dernier souffle de loyauté. Mais Agathe Kanziga et ses enfants choisirent l'exil plutôt que la décence. Ils fuirent avec des bijoux, des documents et des domestiques, mais sans les corps des hommes qui leur avaient tout donné. Alors que la France les considérait comme des victimes fuyant le chaos, ils étaient en réalité les architectes qui fuyaient la reddition de comptes.

Je me suis souvent demandé : quel genre de personnes peut abandonner ses propres morts, puis trouver l'audace de se moquer des survivants du génocide que leur régime a orchestré ? Peut-être que, comme l'histoire du Rwanda le montre, le mal ne disparaît pas toujours dans la tombe ; parfois, il monte simplement dans le dernier avion pour s'en aller.

L'amour était mort avant le corps

Dans la plupart des familles, la tragédie unit. La perte adoucit le cœur, même chez les cruels. Mais dans la famille Habyarimana, la tragédie durcit ce qui était déjà de pierre. Ils ne fuirent pas parce qu'ils craignaient la justice ; ils fuirent parce qu'ils craignaient l'insignifiance. Ils pouvaient vivre sans un mari, sans un père, même sans une tombe, mais pas sans pouvoir.

Leur fuite constitua la trahison ultime des liens familiaux. Tandis qu'Agathe Kanziga était évacuée par des troupes étrangères, les frères et sœurs de son mari furent laissés à eux-mêmes au cœur du tumulte. Parmi ceux abandonnés figuraient deux sœurs aînées, Telesphore Nturoziraga et Godelive Barushywanubusa, toutes deux religieuses catholiques de la congrégation des Benebikira, ainsi que leur frère, le Dr Séraphin Bararengana, alors enseignant à la faculté de médecine de Butare. Le Dr Bararengana est le frère cadet d'Habyarimana. Ce n'était pas seulement de l'abandon, mais un cannibalisme moral. Ils ont dévoré leur propre mémoire pour préserver leurs privilèges.

Peut-être que l'aspect le plus troublant de cette histoire n'est pas politique, mais existentiel. Dans chaque société, l'acte d'enterrer ou de crématiser constitue un pont entre les vivants et les morts. Il est la preuve que l'amour survit au dernier souffle. Abandonner volontairement les morts, c'est annoncer que l'amour a expiré avant la vie.

Le silence d'Agathe Kanziga en dit long. Elle n'a jamais fait de déclaration publique expliquant pourquoi elle avait laissé son mari sans sépulture, pourquoi elle avait refusé de rapatrier ses restes, ou même ce qu'ils étaient devenus. Il n'y a eu aucun rite, aucune commémoration, aucune reconnaissance. Pour elle et ses enfants, le président Habyarimana n'avait d'utilité qu'une fois vivant.

Pendant des années, j'ai été hanté par une question simple : comment une épouse peut-elle abandonner le corps de son mari et celui de son frère ? En novembre 1996, j'ai rencontré Sœur Godelive à Gisenyi. Elle venait tout juste de rentrer au Rwanda depuis l'ex-Zaïre. Elle ressemblait tellement à son frère que la reconnaissance fut immédiate. Par respect, je lui ai présenté mes condoléances. Mais la curiosité, peut-être même l'incrédulité, a fini par me dominer.

Je lui ai demandé pourquoi son frère n'avait jamais eu droit à une sépulture digne, qui avait pris cette décision et ce qu'était devenu son corps. Elle m'a regardé avec la résignation fatiguée de quelqu'un à court d'explications, a haussé les épaules et a simplement dit : " Eh bien, c'est arrivé comme ça. "

Cette phrase, c'est arrivé comme ça, a résonné en moi pendant des années. Ce n'était pas une réponse ; c'était l'aveu d'un effondrement moral.

Neuf ans plus tard, en 2005, j'ai revu Sœur Godelive lors d'une juridiction Gacaca à Remera et je lui ai posé la même question. Cette fois, elle a admis que " des personnes puissantes en avaient décidé ainsi ". Elle n'a jamais précisé lesquelles, mais a seulement révélé que le 11 avril 1994, elle et ses deux frères et sœurs survivants s'étaient rendus dans leur lieu de naissance pour poursuivre le deuil. La matriarche de la famille, Agathe Kanziga, et ses enfants étaient déjà partis, à l'abri dans les bras de la France.

Le reste de l'histoire, je l'ai recomposé à partir de murmures : le corps du président fut d'abord conservé à la morgue de Kanombe, puis transféré dans une chambre froide de la brasserie de Gisenyi, avant d'être acheminé à l'hôpital de Ngaliema à Kinshasa via Goma. Après cela, silence. Les coordonnées de son lieu de repos final demeurent un mystère, une honte sans sépulture.

Une famille sans deuil

La psychologie du deuil est universelle, mais au sein de la famille Habyarimana, le deuil semblait avoir été externalisé. La veuve n'est jamais revenue voir la tombe. Les enfants n'ont jamais demandé où reposaient leur père ou leur oncle. Ils ont poursuivi leur vie comme si la mort n'était qu'une gêne administrative.

En vérité, ils n'ont pas fait leur deuil parce que faire son deuil obligerait à affronter la culpabilité. Enterrer un corps, c'est reconnaître l'humanité du défunt ; refuser de le faire, c'est préserver la fiction de l'innocence. Et pour une famille impliquée, moralement, politiquement et idéologiquement, dans le régime génocidaire qui a suivi le crash, il était plus sûr, ou plus commode, de laisser le cadavre disparaître.

En un sens, Habyarimana est devenu la première victime de l'idéologie qu'il avait contribué à cultiver. Même dans la mort, il fut sacrifié à la machinerie du Hutu Power, un système qui dévorait son propre créateur. Sa veuve et ses enfants n'ont jamais pris la parole publiquement pour expliquer la décision de fuir sans l'enterrer. À la place, ils se sont affairés à réécrire l'histoire, à nier le génocide et à présenter leur famille comme victime d'une vaste conspiration du FPR.

La famille Habyarimana offre une étude glaçante de la manière dont la cupidité corrompt non seulement la politique, mais aussi l'affection elle-même. Dans leur univers, les relations étaient transactionnelles ; la loyauté dépendait de l'utilité. Dès lors que la mort d'Habyarimana cessait de servir leur cause, sa mémoire devenait jetable.

C'est une forme de parenté où l'affection est subordonnée à l'idéologie. Dans de telles familles, le deuil n'est pas une peine privée mais une charge politique. C'est pourquoi Agathe Kanziga pouvait abandonner le corps de son mari tout en restant sereine ; pourquoi ses fils peuvent nier le génocide avec une assurance académique ; et pourquoi aucun d'eux n'a jamais montré le moindre remords sincère. Leur boussole morale ne s'est pas brisée en 1994, elle n'avait jamais été calibrée pour commencer.

Le sarcasme des morts non pleurés

Imaginez, un instant, l'absurdité de tout cela : le président d'une nation est abattu du ciel ; son corps gît froid dans une morgue entourée de soldats fidèles ; la radio qu'il contrôlait autrefois diffuse des discours de haine dans la nuit ; et sa famille, plutôt que d'organiser des funérailles, fait ses valises. Elle se précipite vers l'aéroport, escortée par des troupes étrangères, marchant sur les cendres d'un pays qu'elle a contribué à embraser.

On peut presque entendre le dialogue entre Agathe et son fils Jean-Luc : " Devons-nous prendre son corps ? ", " Pas le temps, mon cher fils. Les Français nous attendent. ", " Et l'oncle Élie ? ", " Je pense qu'il comprendra. En tant que soldat, il a toujours obéi aux ordres. " Et les voilà partis, saisissant passeports et souvenirs assez sélectifs pour tenir dans une valise diplomatique.

Le monde les a ensuite vus à la télévision française, visages composés, paroles mesurées, parlant de " tragédie " et d'" injustice ". Mais jamais, pas une seule fois, ils n'ont mentionné où leur mari, père ou frère avait été enterré. Leur silence était plus fort que les moteurs de l'avion français qui les emportait. En plein jour, ils ont fui leur scène de crime, non pas pour pleurer, ni pour enterrer, mais pour disparaître.

La structure de l'évasion morale

Se moquer de l'absurdité des choix de cette famille n'est pas de la cruauté, c'est une nécessité éthique. Leur silence raconte une histoire sur la pathologie plus large de la négation du génocide. L'incapacité de la famille Habyarimana à enterrer ses morts reflète son incapacité à affronter la vérité. Ils nient le génocide contre les Tutsi non pas parce qu'ils le comprendraient mal, mais parce qu'admettre la réalité impliquerait de reconnaître leur complicité, idéologique et logistique.

Jean-Luc Habyarimana et son frère Léon sont devenus les voix les plus fortes du chœur de la négation du génocide, tweetant et s'exprimant depuis l'Europe comme si l'histoire n'était qu'un débat sur les réseaux sociaux. Ils accusent le Rwanda de manipulation et se présentent comme les héritiers d'un legs volé. Mais de quel héritage s'agit-il exactement ? Un père qui a présidé à la division ethnique ? Des oncles qui ont planifié le génocide ? Une famille qui a fui par-dessus les corps des mêmes personnes qu'elle avait incitées à tuer ?

Il faut une corrosion morale rare pour transformer la tragédie en auto-apitoiement. Les fils n'ont pas hérité de la discipline de leur père, mais des illusions et des crimes de son régime. Ils sont devenus des exilés numériques, criant dans le cyberespace sur la justice, tandis que les morts de leur propre famille restent abandonnés quelque part.

Même en temps de guerre, il existe une ligne que la plupart des gens ne franchissent pas : celle du devoir filial. Laisser ses morts sans sépulture, c'est renoncer à sa propre humanité. Mais peut-être que cela aussi était symbolique. Car s'ils pouvaient abandonner les leurs, il n'est pas surprenant qu'ils aient pu abandonner tout un pays à l'abattoir.

Hypocrisie appliquée et le lien français

Quand on étudie le génocide, on apprend que la négation en est la dernière étape. La famille Habyarimana, en particulier son épouse et ses enfants, incarne parfaitement cette étape finale. Leur fuite du 9 avril 1994 n'a pas été seulement un exil physique, c'était un acte symbolique de négation. Ils fuyaient la mort, la vérité, le jugement auquel l'enterrement de leurs morts les aurait confrontés.

La France, bien sûr, reste complice de cette histoire macabre. L'armée française n'a pas seulement évacué la famille Habyarimana, elle a également protégé de nombreux acteurs clés du régime lors de l'Opération Amaryllis. Tandis que des milliers de Rwandais étaient massacrés à la machette, les " protecteurs de la civilisation " s'affairaient à charger des génocidaires dans des avions.

À ce jour, la France n'a jamais expliqué pourquoi elle avait priorisé l'évacuation de cette famille plutôt que celle des milliers de civils traqués. Qui a donné l'ordre ? Qui a décidé que la veuve d'un président tombé était plus précieuse que les orphelins laissés sur les collines ensanglantées de Kigali ? Et qui a décidé que les corps de son mari et de son frère ne valaient pas une sépulture ?

Ces questions planent comme des fantômes sur l'histoire du Rwanda, sans réponse, car ceux qui devraient y répondre préfèrent le silence.

Les autorités françaises, qui ont ensuite accueilli Agathe sur leur territoire, détiennent une partie de la réponse aux questions sur les morts non enterrés du Rwanda. C'est une ironie trop amère pour la satire : le pays qui se targue de liberté, d'égalité et de fraternité est devenu le refuge d'une famille qui n'a montré aucune de ces trois valeurs.

Les leçons de l'abandon

Que devrait apprendre le monde de cette grotesque histoire de fuite et d'oubli ? Que le génocide n'est pas seulement un acte de meurtre ; c'est aussi le refus de faire son deuil. Il commence par la dévalorisation de la vie d'autrui et se termine par la profanation de ses propres morts.

La famille Habyarimana illustre parfaitement ce continuum, de l'auto-importance du pouvoir à l'aveuglement de la négation. Leur comportement révèle comment une idéologie génocidaire détruit même les liens les plus intimes. Quand une famille peut abandonner le cadavre de son patriarche sans éprouver de honte, imaginez ce qu'elle a ressenti envers les personnes qu'elle considérait comme des " cafards ".

Raconter cette histoire n'est pas céder à une curiosité macabre. C'est exposer l'anatomie de l'inhumanité, la manière dont le pouvoir politique peut vider de leur substance même les liens humains les plus précieux. Je repense souvent à cette rencontre silencieuse à Gisenyi en 1996, les yeux fatigués de Sœur Godelive, certes pas si innocente, sa voix résignée, sa phrase fétiche : " des personnes puissantes en ont décidé ainsi ".

Ces mots portent le poids des questions restées sans réponse d'une nation. Qui a décidé que le deuil devait être annulé ? Qui a décidé que l'agonie du Rwanda serait baptisée " travail " ? Qui a décidé que le corps du président défunt était moins important que le plan génocidaire que sa mort a déclenché ?

L'histoire ne nommera peut-être jamais tous les responsables, mais nous connaissons leurs héritiers, les négationnistes ostentatoires, les " critiques " autoproclamés, ceux qui ont hérité du silence et l'ont transformé en vacarme. Mais pour Agathe Kanziga et ses enfants, le silence est complicité.

Ils vivent confortablement à l'étranger, donnent des interviews et publient des manifestes sur les réseaux sociaux, tandis que les tombes de leur mari, père et oncle restent des mystères non marqués. Dans un monde qui glorifie la mémoire, il existe une tombe sans nom, une sépulture sans corps, une mort sans deuil. Elle appartient à Juvénal Habyarimana, non pas l'homme, mais le symbole de tout ce qui a mal tourné au Rwanda.

Sa famille a fui, son corps a disparu, et son héritage s'est désintégré dans la négation. Peut-être est-ce là la justice de l'histoire : l'homme qui avait bâti son pouvoir sur la déshumanisation s'est vu refuser l'humanité même d'une sépulture. Oui, ceux qui ont nié l'humanité aux autres ne peuvent désormais trouver la clôture même dans la mort de leurs proches.

Réalités non enfouies

Si l'on devait ériger un monument à l'hypocrisie, il n'aurait pas besoin de marbre ni de granit. Il suffirait de la tombe invisible du président Habyarimana et du colonel Sagatwa, deux hommes dont la mort a déclenché un cataclysme, et dont les propres familles ont traité les corps comme de simples désagréments.

Pourtant, les questions demeurent, tranchantes comme des éclats de verre : comment ceux qui ont abandonné leurs morts peuvent-ils se permettre de donner des leçons aux vivants ? Comment ceux qui ont refusé des funérailles à leurs êtres les plus chers peuvent-ils parler de vérité ? Et comment le silence peut-il encore résonner si fort, trente ans plus tard ?

Tant que ces questions resteront sans réponse, l'histoire du Rwanda restera incomplète, non pas parce que la nation a oublié d'enterrer un dictateur génocidaire, mais parce que la famille qui l'a fui a oublié comment être humaine.

Un jour, l'histoire exigera une réponse à une question simple et humaine : où sont-ils enterrés ? Et dans cette réponse, ou dans son absence persistante, se trouvera le jugement final sur une famille qui a fui non seulement la justice, mais l'amour lui-même.

Habyarimana est devenu la première victime de l'idéologie qu'il avait contribué à cultiver. Même dans la mort, il fut sacrifié à la machinerie du Hutu Power

Tom Ndahiro



Source : https://fr.igihe.com/La-famille-de-Juvenal-Habyarimana-le-symbole-d-une-decadence-morale.html

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