
" Manifestement, le président Tshisekedi m'a confirmé que le texte qui avait été proposé n'est pas satisfaisant ", a rapporté à la presse le ministre belge Maxime Prévot, en visite officielle dans la capitale congolaise.
Cette déclaration, faite sur le ton d'une confidence relayée à dessein, n'est pas anodine. Elle atteste d'un doute profond quant à la viabilité du processus engagé au Qatar et confirme que le président congolais aborde ces pourparlers davantage comme une scène de théâtre diplomatique que comme une opportunité réelle de pacification.
En vérité, l'attitude du président Tshisekedi ne procède nullement d'une volonté sincère d'arracher la paix, mais bien d'une stratégie patiemment calculée visant à différer l'échéance. Or cette nuance, qui pourrait paraître ténue à un regard superficiel, revêt en réalité une portée considérable : elle signifie que l'objectif n'est pas la pacification effective des territoires meurtris, mais le prolongement délibéré d'un entre-deux conflictuel servant d'écran commode aux hésitations, aux faiblesses et aux calculs politiques.
Autrement dit, il ne s'agit pas de mettre un terme à la guerre, mais de la laisser perdurer comme ressource tactique, au prix du sang des populations civiles et de la décrépitude de l'État.
Car " gagner du temps " n'est jamais neutre dans une guerre. C'est prolonger les souffrances des populations civiles, c'est entretenir l'instabilité comme instrument de pouvoir, c'est différer indéfiniment le moment de vérité où les concessions deviennent inévitables. Le calcul politique prend ici le pas sur l'exigence morale. Tshisekedi sait que la paix véritable impliquerait une remise en cause de ses alliances, de ses réseaux d'intérêts et de sa rhétorique victimaire face à ses opposants et à ses partenaires régionaux. Refuser le texte de Doha, c'est préserver l'illusion d'un combat héroïque, maintenir la posture du dirigeant assiégé qui réclame soutien et indulgence, tout en évitant de s'engager sur des concessions qui pourraient fragiliser son pouvoir intérieur.
Derrière ce rejet se dessine donc une stratégie du blocage habilement travestie en exigence de souveraineté. Mais une telle attitude risque de condamner le Congo à une interminable guerre d'usure, où l'État s'épuise et où la population paie le prix fort.
L'intransigeance affichée à Kinshasa pourrait flatter, pour un temps, un nationalisme de façade ; elle ne fait en réalité que repousser l'horizon d'une paix durable, au risque de laisser les dynamiques régionales plus puissantes que le volontarisme présidentiel dicter leurs propres termes à l'avenir du pays.
En somme, le message transmis par Tshisekedi à son interlocuteur belge n'est pas celui d'un chef d'État cherchant des voies de sortie honorables, mais celui d'un stratège préoccupé par la préservation de ses marges politiques. À Doha, ce n'est pas la paix qui se négocie, mais le temps. Et l'histoire enseigne que le temps, dans les conflits, est toujours un maître exigeant qui finit par présenter la facture à ceux qui croient pouvoir l'instrumentaliser.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Tshisekedi-et-Doha-ou-l-art-de-differer-la-paix.html