Les prisonniers du faciès de Makala et Ndolo ou quand l'identité devient un crime #rwanda #RwOT

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Des citoyens congolais, tutsi par héritage, y sont détenus non pour des crimes commis, mais pour une apparence honnie, un patronyme soupçonné, une ascendance décrétée étrangère par les oracles sélectifs du nationalisme congolais.

Le délit de faciès y prend les atours d'une sentence sans appel ; et l'appartenance ethnique, un statut de culpabilité permanente. L'État, qui se veut garant des libertés fondamentales, y devient bourreau par omission ou par dessein, tandis que les services dits de sécurité se transforment en instruments d'une répression sourde, déguisée en lutte contre une infiltration imaginaire.

Cette criminalisation de l'identité tutsie, héritée des abysses du mobutisme et recyclée avec zèle par les tenants d'un pouvoir en mal de légitimité, instaure un apartheid latent, une ségrégation de fait où la citoyenneté est hiérarchisée selon le sang et le visage. Ces prisonniers du faciès, ces otages de la haine ethnique, incarnent ainsi une tragédie nationale ignorée, un point aveugle dans le miroir brisé d'une République qui se prétend démocratique, mais dont les murs, à Makala comme à Ndolo, suintent l'indignité et la peur de l'autre.

Il est des silences qui tuent, des complaisances qui condamnent, des lâchetés diplomatiques qui prolongent l'horreur. Dans les prisons de Makala, de Ndolo et dans les antres obscures de la DEMIAP, cette redoutable et redoutée police politique congolaise, croupissent, loin des regards, des hommes et des femmes dont le seul crime est d'exister sous un faciès que l'État a décidé de vouer à la suspicion. Ils sont congolais, Tutsi par ascendance, citoyens par droit, mais apatrides de fait, otages d'une nation qui les renie, les exile à l'intérieur même de ses frontières, et les condamne à l'effacement.

Ils sont les prisonniers du faciès, érigés en symboles vivants d'un racisme d'État assumé, d'une politique de l'ethnicisation de la défiance, où le soupçon d'étrangeté est devenu la matrice de la répression. On les traite de "rwandais", d'"infiltrés", de "cinquièmes colonnes", ressuscitant le spectre de cette "nationalité douteuse", cette invention venimeuse des régimes zaïrois puis congolais, qui sert de levier commode à toutes les exclusions, à toutes les purges.

On les arrête sans preuve, on les accuse sans dossier, on les enferme sans jugement. Pire encore, on les fait disparaître dans l'épaisseur d'un système carcéral dont les murs suintent la haine, les cellules la torture, et les couloirs l'humiliation. Ils subissent des traitements que les textes internationaux les plus élémentaires qualifient sans détour : inhumains et dégradants. Mais qui, à Kinshasa, s'en soucie vraiment ?

Le mal ne réside pas seulement dans l'emprisonnement arbitraire, il se loge aussi dans l'indifférence calculée, dans le silence assourdissant de ces organisations dites "humanitaires" qui, promptes à dénoncer ailleurs, deviennent soudainement sourdes et aveugles quand l'oppresseur porte les habits d'un pouvoir allié, ou qu'il incarne une narration victimisante politiquement rentable.

Cette ignominie, qui n'est rien d'autre qu'un apartheid ethnique déguisé en patriotisme, n'est pas sans conséquences : elle sème les germes d'une instabilité chronique, elle radicalise les exclus, elle nourrit la défiance, elle justifie l'insurrection. Elle pousse des citoyens à devenir des fugitifs dans leur propre pays, à fuir pour ne pas être écrasés, à s'armer non pour dominer, mais pour survivre.

La République Démocratique du Congo ne se sauvera pas dans l'ethnicisation de la souveraineté, ni dans la criminalisation de l'altérité. Elle ne se relèvera pas en érigeant l'identité en délit et l'appartenance communautaire en trahison.

Doha, ou toute autre instance de médiation régionale ou internationale, se doit d'exiger non seulement la libération immédiate et sans condition de ces détenus de la honte, mais également une révision radicale de la doctrine sécuritaire congolaise, gangrenée par le tribalisme d'État.

Car persister à nier la citoyenneté de certains Congolais, c'est entretenir la matrice de la guerre, c'est institutionnaliser la fracture, c'est saborder toute perspective de paix durable.

A ceux qui veulent la paix, il faut rappeler cette vérité simple mais essentielle : on ne bâtit pas une nation sur les cadavres de ceux qu'on refuse d'y inclure.

Dans les geôles de Makala, Ndolo et la DEMIAP se déroule, dans le silence, un drame ethno-politique que l'histoire congolaise contemporaine n'ose encore nommer

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Les-prisonniers-du-facies-de-Makala-et-Ndolo-ou-quand-l-identite-devient-un.html

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