
Celle de l'arrivée solennelle à Kinshasa du général Muhoozi Kainerugaba, fils du président Museveni et chef d'état-major des Forces de défense ougandaises (UPDF), en est une. A ses côtés, son homologue congolais, le lieutenant-général Jules Banza Mwilambwe, tenant le stylo du consentement, celui qui paraphe une nouvelle capitulation silencieuse, travestie en coopération sécuritaire.
A la clef : l'extension des opérations militaires ougandaises sur le sol congolais, de l'Ituri jusqu'aux confins du Nord-Kivu sous prétexte de garantir la sécurisation de chantiers routiers. Un prétexte presque dérisoire s'il n'était aussi révélateur.
Car enfin, comment justifier sans rougir que la République démocratique du Congo, géant aux pieds d'argile, soit dans l'incapacité manifeste de sécuriser la construction de ses propres routes ? Que faut-il de plus pour constater la déliquescence de ses institutions, la vacuité de sa souveraineté, le naufrage prolongé de sa classe politique ?
Cette scène aurait pu être tragiquement comique si elle n'était pas le symptôme d'un Etat en coma prolongé, dont la dissolution progressive semble désormais acceptée comme une normalité bureaucratique.
Une coopération militaire ou une mise sous tutelle ?
Certes, un accord bilatéral autorise formellement la présence de troupes ougandaises sur le territoire congolais. Mais ses contours flous, imprécis, volontairement opaques.
Et que dire de cette classe politique congolaise, ballottée entre clientélisme, reniement et indifférence cynique, qui semble avoir renoncé à tout projet de refondation nationale ? L'argument sécuritaire, fréquemment invoqué, n'est qu'un rideau de fumée qui masque mal l'abdication collective d'une élite enlisée dans ses intérêts immédiats. N'est-ce pas là, au fond, l'héritage funeste de la Conférence nationale souveraine (CNS) ?
Ce moment fondateur de transition trahi, devenu le point de départ d'une chute sans fin, où l'État congolais se dissout dans les replis du sous-développement, du chaos armé et du pillage transnational.
Il faut oser le dire : la République démocratique du Congo n'exerce plus qu'une souveraineté de façade sur une partie croissante de son territoire. Ce que l'on appelle " coopération régionale " n'est souvent qu'un euphémisme diplomatique pour désigner une mise sous tutelle consentie. Le territoire congolais devient ainsi un espace disputé, non par des puissances étrangères lointaines, mais par ses propres voisins, désormais co-gestionnaires de son désordre.
Pendant ce temps, les populations de Beni, Kasindi ou Butembo vivent dans la terreur quotidienne des groupes armés, des massacres sans fin, et des promesses de paix constamment différées.
Cette substitution n'est pas anodine : elle signifie l'échec ultime de l'appareil régalien congolais, incapable de garantir ni la sécurité, ni l'intégrité, ni la dignité du territoire.
L'heure des réveils tardifs
L'histoire contemporaine du Congo ressemble de plus en plus à un roman de la dépossession, écrit à plusieurs mains, dans lequel la plume congolaise est tenue en tremblement, quand elle n'est pas absente. L'arrivée du général Muhoozi à Kinshasa n'est pas un événement isolé : elle s'inscrit dans une dynamique où les puissances régionales comblent le vide d'un État en ruines. Si la société civile, l'élite intellectuelle, la diaspora et la jeunesse ne se ressaisissent pas très vite, ce vide sera bientôt scellé comme une fatalité historique. Et l'on parlera alors, non plus d'un Congo à reconstruire, mais d'un Congo perdu.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Quand-l-Ouganda-securise-en-lieu-et-place-de-la-RDC.html