Nicolas Kazadi ou le prix du reniement #rwanda #RwOT

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En éventrant métaphoriquement le "boa" du régime en place cette entité vorace et sinueuse, symbole d'un pouvoir enveloppant, constricteur et insatiable, il dévoile avec une gravité implacable les ressorts souterrains d'une gouvernance livrée à l'ivresse du lucre et à la dilution du sens républicain.

A travers cette prise de parole qui relève moins de la confession que du réquisitoire, Kazadi se désolidarise in extremis d'un édifice qu'il a contribué à édifier, mais dont il dénonce désormais la dégénérescence : un appareil étatique parasité par des logiques de rente, organisé pour la satisfaction d'une élite cupide et indifférente au désastre social qu'elle entretient.

Ce faisant, il ne se contente pas de livrer un constat accablant ; il exhorte, en creux, à une forme de catharsis nationale, seule capable de purger la République des forces d'inertie et d'impunité qui la condamnent à l'implosion morale.

C'est dans une émission télévisée diffusée ce week-end, face à la journaliste Paulette Kimuntu, que Nicolas Kazadi, ancien ministre des Finances de la République démocratique du Congo et haut cadre de l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), a brisé l'omerta. Avec une lucidité cinglante, le technocrate passé par les arcanes du pouvoir a livré un réquisitoire implacable contre la gouvernance du régime de Félix Tshisekedi, dont il fut pourtant l'un des visages les plus représentatifs.

Sans fioritures, Kazadi confesse, certes de manière implicite, mais avec une clarté qui ne laisse aucune équivoque, que la gestion du pays sous la houlette de l'UDPS repose sur des mécanismes structurellement viciés : jouissance effrénée du pouvoir, prolifération des circuits de corruption, institutionnalisation des rétrocommissions et dilapidation systématique des deniers publics. A ses yeux, il ne s'agit pas de dérives isolées mais d'un système organisé, pensé pour servir une caste prédatrice, au mépris du bien commun.

Sur la question du train de vie de l'État, l'ancien argentier du Trésor public va plus loin : en cinq années de mandat, le Président Tshisekedi aurait méthodiquement conçu un édifice bureaucratique tentaculaire, en multipliant sans étude d'impact ni évaluation préalable des structures étatiques redondantes, inefficaces et budgétivores.

Ce maillage abscons d'agences, de hauts conseils et de cellules dites " stratégiques " véritables gouffres financiers n'aurait eu d'autre vocation que de fournir rentes et sinécures à une élite compradore, soumise mais repue.

La conséquence est tragiquement limpide : le mot d'ordre fondateur du projet présidentiel, " Le peuple d'abord ", s'est délité en slogan creux, vidé de sa substance, relégué dans les limbes des promesses électorales oubliées. Le disque, autrefois porteur d'espoirs, tourne désormais à vide, éraillé par l'usure du mensonge.

Par cette prise de parole audacieuse, Nicolas Kazadi rejoint, sans détours, la posture critique adoptée par Augustin Kabuya, secrétaire général de l'UDPS, qui déclarait en août dernier : " La population avait espoir en l'UDPS, croyant que la souffrance prendrait fin avec l'arrivée au pouvoir de cette formation. Aujourd'hui, l'UDPS au pouvoir ne s'intéresse plus au peuple, mais à ses propres intérêts et avantages. "

Il est des moments où les silences s'éventrent sous le poids de l'indicible, où les murs de la connivence finissent par laisser échapper des aveux que l'histoire attendait. La sortie de Nicolas Kazadi, ancien grand argentier du régime Tshisekedi, s'inscrit dans cette dramaturgie du réveil tardif, mais salutaire.

Lorsqu'un ancien ministre rompt avec le langage de bois pour dénoncer, même a posteriori, la décadence d'un système dont il fut partie intégrante, ce n'est pas tant le cynisme qu'il faut interroger que le désastre moral qu'il révèle. Car ce que Kazadi met en lumière, c'est l'échec patent d'un pouvoir qui, porté par les espérances du peuple, s'est vautré dans l'orgie bureaucratique, le népotisme rampant et la désinvolture éthique.

L'UDPS, jadis symbole de la résistance démocratique, s'est métamorphosée en appareil prédateur, usant du pouvoir non pour libérer, mais pour capturer. Au lieu de réparer l'État, elle l'a colonisé. Au lieu d'émanciper le citoyen, elle l'a infantilisé, noyé sous un flot de promesses non tenues, tout en nourrissant une oligarchie ventripotente.

Ce qui transparaît à travers les propos de Kazadi et de Kabuya, c'est un double désenchantement : celui des cadres du pouvoir eux-mêmes, qui constatent le naufrage idéologique de leur parti ; et celui, plus poignant encore, d'un peuple trahi, une fois de plus, par ceux qui prétendaient parler en son nom.

Mais à qui revient la responsabilité de ce désastre ? Aux hommes ou à la structure ? À la logique du pouvoir ou à la culture politique congolaise, rongée depuis des décennies par le clientélisme, la prédation et l'impunité ? Peut-on encore espérer une refondation morale dans une société où la corruption devient une norme implicite, et le service public un moyen d'ascension privée ?

L'heure n'est plus à la lamentation mais à la réclamation : réclamation de comptes, de justice et de vérité. Si les Kazadi d'aujourd'hui veulent être crédibles, ils devront non seulement dénoncer, mais aussi réparer. Non seulement parler, mais aussi agir. Car chaque reniement a un prix, et le peuple, lui, l'a déjà trop payé.

Nicolas Kazadi, ancien ministre des Finances et figure de proue de l'appareil étatique congolais

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Nicolas-Kazadi-ou-le-prix-du-reniement.html

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