Le conflit s'est intensifié en raison de l'obsession du gouvernement congolais de poursuivre une solution militaire à la question du M23, qui est en réalité une question politique. Seul un engagement sincère du gouvernement de la RDC à mener des discussions authentiques avec le M23, désormais membre de l'Alliance du Fleuve Congo (AFC), peut éviter une nouvelle escalade du conflit.
Le problème réside dans le fait que le gouvernement congolais se concentre religieusement sur la recherche de boucs émissaires, notamment le Rwanda, tout en négligeant les véritables acteurs congolais, désormais représentés par l'AFC/M23.
La crise dans l'Est de la RDC est fondamentalement une question de gouvernance qui ne peut être résolue que par une volonté politique interne et un leadership responsable. Le gouvernement congolais doit honorer ses obligations de protéger ses citoyens et de mettre en uvre les accords qu'il a signés au cours des trois dernières décennies.
Le Conseil de sécurité de l'ONU et la communauté internationale doivent également respecter leur engagement de désarmer, démobiliser et rapatrier pour réintégration les éléments des FDLR, longtemps soutenus par la RDC et d'autres institutions.
L'échec persistant à résoudre la situation sécuritaire, y compris la présence des FDLR, a alimenté l'instabilité. Le Rwanda a été clair : la paix régionale ne peut être atteinte tant que la RDC continue de permettre aux FDLR, un groupe responsable du génocide contre les Tutsi, d'opérer librement, voire de s'intégrer dans les structures de l'État. Ces actions sapent directement la sécurité régionale et les accords passés, notamment la feuille de route de Luanda et les Déclarations de Nairobi.
Le Rwanda soutient les processus diplomatiques et continuera de s'engager de manière constructive. Cependant, le Rwanda ne tolérera pas de nouvelles provocations de la part des dirigeants congolais, que ce soit par le soutien aux FDLR, les tirs transfrontaliers ou les discours hostiles. La responsabilité de résoudre cette crise incombe à Kinshasa, et le Rwanda prendra toutes les mesures nécessaires pour protéger sa souveraineté et sa sécurité nationale.
La capture de Goma et l'opportunité qu'elle offre
La capture de Goma pour la deuxième fois, malgré la défaite du M23 en 2013, reflète l'échec de la communauté internationale à aider la RDC à traiter les causes profondes du problème. Le conflit persiste parce que le gouvernement congolais et la communauté internationale ont ignoré les causes profondes de la crise, se concentrant uniquement sur des solutions cosmétiques qui ne s'attaquent qu'aux symptômes du conflit dans une sorte de mode " showbiz ".
La résurgence du M23 et la capture de Goma devraient être un signal d'alarme pour la communauté internationale afin de revisiter les causes profondes du conflit et de les traiter fermement, plutôt que de soutenir la position inflexible du gouvernement de la RDC.
Il serait illusoire de penser que forcer le M23 à quitter Goma résoudrait le problème de manière durable. La capture de Goma par l'AFC/M23 devrait être perçue comme une occasion pour la communauté internationale de faire pression sur le gouvernement de la RDC pour qu'il prenne en considération les griefs légitimes des communautés persécutées.
Les griefs du M23 ne sont pas nouveaux. Ils ont été exprimés à travers divers processus de paix, mais Kinshasa a échoué à honorer ses engagements.
Les Déclarations de Nairobi de 2013 et d'autres accords prévoyaient des étapes claires pour la réintégration et l'inclusion politique, mais ces engagements restent non réalisés.
Une solution durable nécessite un engagement authentique, et non des répressions militaires à court terme qui ne font qu'alimenter davantage l'instabilité. Le gouvernement congolais doit : garantir la mise en uvre complète des accords de paix qu'il a signés ; traiter la discrimination et l'exclusion des Tutsi congolais et d'autres communautés dans l'Est de la RDC ; et mettre fin à toute collaboration entre les FARDC et les FDLR, qui restent une force de déstabilisation majeure.
Il ne s'agit pas d'un problème étranger ; il s'agit d'un problème congolais qui nécessite une solution congolaise. Le Rwanda ne se laissera pas entraîner dans les échecs de gouvernance et de leadership à Kinshasa, mais agira de manière décisive si sa sécurité est menacée.
La solution pratique et durable à la crise
Les cessez-le-feu sans responsabilité sont des solutions temporaires. Les dirigeants régionaux doivent aller au-delà des engagements rhétoriques et veiller à ce que les accords soient respectés dans la pratique.
Ils doivent engager une conversation franche avec le gouvernement de la RDC et encourager les autorités congolaises à comprendre qu'il est grand temps de commencer de véritables discussions avec l'AFC/M23 si elles veulent éviter une escalade. Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue. Il existe des accords et des plateformes déjà en place pour traiter le conflit.
Ce qui manque et ce qui est urgemment nécessaire, c'est la volonté politique du gouvernement de la RDC de s'engager dans de véritables négociations avec l'AFC/M23.
Les résolutions significatives devraient inclure, en premier lieu, la mise en uvre des accords existants : les cadres de Luanda et de Nairobi offrent des solutions claires, mais ils doivent être appliqués, pas seulement discutés.
En deuxième lieu, un mécanisme de vérification et de suivi neutre : un mécanisme régional crédible doit suivre le respect des accords et exposer les violations par toutes les parties, en particulier la collaboration FARDC-FDLR.
En troisième lieu, une position claire sur les provocations externes : le Rwanda a été confronté à des actes répétés d'agression, y compris des tirs transfrontaliers et des menaces ouvertes de changement de régime.
De telles actions doivent être traitées de manière décisive dans les cadres régionaux et internationaux.
Le Rwanda est engagé dans la diplomatie, la stabilité et la coopération régionale. Cependant, la paix durable exige plus que des sommets. Elle nécessite la responsabilité, la mise en uvre et la fin des doubles standards dans le traitement des préoccupations en matière de sécurité.
La situation dans l'Est de la RDC reste une conséquence des échecs de gouvernance non traités et du refus de respecter les engagements. Le Rwanda a soutenu de manière constante des solutions diplomatiques, mais ne fera pas de compromis sur sa sécurité.
La paix régionale ne sera atteinte que lorsque Kinshasa assumera l'entière responsabilité de stabiliser son territoire, mettra fin au soutien aux groupes armés comme les FDLR et garantira une protection égale pour tous ses citoyens. Tant que cela ne se produira pas, des cycles d'instabilité persisteront.
Le Rwanda reste engagé dans des efforts diplomatiques, mais agira fermement contre toute menace à sa souveraineté et à la stabilité régionale. Laissez le M23 garder un visage impassible et voir comment les choses évoluent. La RDC est pleine de surprises, elle peut se détruire d'un clin d'il.
La présence de l'Afrique du Sud en RDC
La présence de l'Afrique du Sud dans l'Est de la RDC n'est en aucun cas une force de maintien ou de restauration de la paix. Les intérêts économiques existants et les contrats entre les deux pays et/ou entre les premières familles ne peuvent tromper le Rwanda en lui faisant croire qu'ils sont là pour résoudre les problèmes congolais pour le gouvernement congolais.
Nous devons suivre de près ceux qui s'associent aux FDLR et les surveiller activement et de manière pragmatique, sans sentiments, car nous savons bien avec qui nous avons affaire.
L'auteur est un ancien diplomate rwandais de haut rang ayant travaillé à Washington DC et Addis-Abeba, ancien ambassadeur et représentant permanent du Rwanda auprès de l'ONU à New York.
Il est également ancien secrétaire permanent au ministère des Affaires étrangères et de la Sécurité intérieure, envoyé spécial du Président dans les pays de la région des Grands Lacs, représentant spécial du secrétaire général de l'ONU et chef du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau, ainsi que représentant spécial adjoint du secrétaire général de l'ONU et du président de la Commission de l'Union africaine au Darfour, au Soudan.
Il a également servi de négociateur de la paix dans le cadre de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).
Ambassadeur Joseph Mutaboba
Source : https://fr.igihe.com/Les-vues-d-un-diplomate-veteran-sur-la-crise-en-RDC.html