Le Cardinal Ambongo s'exprimait lors de la réunion internationale pour la paix, organisée par la Communauté de Sant'Egidio à Rome, qui s'est tenue à Paris du 23 au 24 septembre 2024.
Le prélat a insisté sur l'ampleur de la guerre, sa durée et les destructions qu'elle a causées en RDC et qui a figurer en première page des médias internationaux, mais qui n'ont pas attiré autant d'attention.
" Nous vivons à une époque où les guerres font rage partout dans le monde. Un calcul rapide montre qu'il y a actuellement entre 25 et 30 zones de guerre ou de conflit dans le monde, dont au moins un tiers en Afrique ", a déclaré l'Archevêque de Kinshasa.
" En République Démocratique du Congo en particulier, nous connaissons un terrible conflit qui dure depuis 30 ans dans la partie orientale du pays. Ce conflit, d'une ampleur considérable, implique plusieurs groupes armés et menace d'atteindre les pays voisins et d'autres acteurs régionaux et internationaux, ce qui a conduit à qualifier ces guerres de 'guerres mondiales africaines' ", a expliqué Ambongo, qui est également président des Conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar (SECAM).
Il a accusé la presse internationale de considérer le conflit congolais comme une " crise secondaire " par rapport à d'autres situations.
Le Cardinal a souligné que les guerres dans le monde partagent des traits communs, mais a insisté sur le fait que la guerre en RDC reste la plus meurtrière, ayant causé la mort de plus de 4 millions de personnes et déplacé plus de 6 millions d'autres.
" C'est le nombre le plus élevé au monde de personnes forcées de quitter leur foyer dans leur propre pays ", a-t-il déclaré.
Il a ajouté que la durée du conflit, qui a duré plus de trois décennies, signifie qu'il existe des générations entières de Congolais qui ont grandi sans jamais connaître un seul jour de paix.
" La guerre est devenue une partie intégrante du paysage dans l'est du pays, et les gens se sont habitués à vivre dans la guerre ", a-t-il affirmé.
Le cardinal Ambongo a souligné que Plus de 120 groupes armés se battent dans l'est de la RDC, certains étant soutenus par différentes organisations et personnalités importantes.
Le Secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques de la RDC, le Père George Kalenga, a accusé les pays voisins de fournir des " bases arrière " aux groupes armés qui sèment la désolation de manière récurrente dans certaines régions de la RDC.
La République Démocratique du Congo est incroyablement riche en ressources naturelles, avec une richesse minérale estimée à environ 24 000 milliards de dollars.
Cette immense richesse comprend des minéraux précieux tels que l'or, les diamants, le coltan, le cobalt et l'étain, entre autres.
Ambongo a déclaré que la lutte pour le contrôle de ces ressources est le moteur du conflit en RDC, soulignant qu'il est erroné de considérer ce conflit comme étant uniquement basé sur l'ethnicité ou le tribalisme.
" Bien sûr, le langage est souvent manipulé de manière à pousser les esprits et les émotions vers la haine et le conflit ", a-t-il noté.
" Il n'est donc pas surprenant que les écoles primaires de la province du Nord-Kivu soient devenues des cibles militaires afin de forcer les enfants à ne pas rêver d'un autre avenir que celui de la guerre ", a déclaré Ambongo.
" Par nos propres choix, chacun de nous a la capacité de transformer ce qui semble inexorable, comme la guerre, en une possibilité de paix ", a-t-il affirmé.
Il a également expliqué que pour construire la paix, il est essentiel d'écouter les voix des victimes et de changer la narration en " donnant la priorité aux raisons de la paix plutôt qu'aux désastres de la guerre ".
Le Cardinal Fridolin Ambongo a par ailleurs été impliqué dans un conflit avec le gouvernement congolais lorsque le président Félix Tshisekedi a envisagé de le poursuivre en justice.
Ce différend est survenu après que le Cardinal ait critiqué la gestion du gouvernement face à la situation dans l'est du pays, dénonçant l'inaction et l'inefficacité dans la protection des populations locales contre les groupes armés.
Tshisekedi, irrité par ces déclarations, avait évoqué l'idée de poursuites judiciaires contre Ambongo, une initiative qui avait suscité une vive réaction au sein de la société civile et du clergé, considérant cela comme une tentative de museler la voix critique de l'Église dans le pays.
Heureusement, après plusieurs échanges et pressions, l'idée de poursuite a été abandonnée, réaffirmant ainsi la position centrale de l'Église dans le débat public congolais.
Bazikarev