Les perdants demeurent, hélas, les mêmes : une coalition hétéroclite, exsangue, minée par l'érosion de ses effectifs, l'obsolescence de son équipement, l'effilochement de ses alliances extérieures et une cacophonie communicationnelle que nul artifice ne parvient plus à dissimuler.
L'ancienne constellation FARDCâ"FDLRâ"Wazalendoâ"contingents burundaisâ"SADCâ"mercenaires s'est effondrée sous son propre poids, victime d'une incohérence stratégique fondamentale et d'une incapacité structurelle à produire un commandement unifié.
Imaginer sa résurrection à l'identique relève désormais de l'impossible : les pertes burundaises dans les zones de Minembwe et de ses alentours, particulièrement sévères, ont définitivement brisé toute perspective de remobilisation cohérente.
A cette débâcle s'ajoute une réalité territoriale désormais actée : la réorganisation institutionnelle et administrative dans les zones placées sous l'autorité de fait de l'AFC/M23 constitue une ligne de fracture décisive.
Là où Kinshasa espérait importer son désordre bureaucratique et son improvisation politique, se consolide au contraire une structure politico-administrative qui lui échappe intégralement. Le pouvoir central ne dispose ni des relais, ni de la légitimité, ni de la capacité logistique nécessaires pour réimposer son ordre déclinant.
Plus encore, la mise en place par les FARDC et leurs alliés de véritables camps de regroupement forcé, assimilables dans leur logique à des camps de concentration, scelle l'éloignement définitif des populations locales et éloigne toute perspective d'un retour serein de l'Est sous l'autorité effective de Kinshasa.
Ces pratiques, moralement condamnables et politiquement suicidaires, entérinent la rupture entre le gouvernement central et les communautés qu'il prétend administrer.
L'etouffement progressif du leadership et la crise de légitimité
Il apparaît dès lors que les postures fluctuantes et les imprécations malheureuses du président Tshisekedi et de son Union Sacrée précipitent le pays dans un double scénario, également funeste : soit l'émergence d'une administration régionale entièrement soustraite au contrôle de Kinshasa, consolidée dans les territoires libérés et renforcée par la vacuité étatique centrale ; soit, de manière plus spectaculaire encore, une recomposition du leadership national, à mesure que s'amenuise la marge de manuvre du chef de l'État.
En vérité, le mandat de Tshisekedi se rétrécit comme peau de chagrin. Ses leviers d'action, déjà limités, se désagrègent sous l'effet conjugué de l'isolement diplomatique, des revers militaires successifs, de l'épuisement des alliances régionales et de l'exaspération populaire face à une gouvernance jugée erratique, émotionnelle et dépourvue de vision stratégique.
Le paradoxe tragique réside dans le fait que le président semble être le seul à ne pas discerner la gravité de la situation : alors que ses alliés politiques prennent leurs distances, que les chancelleries étrangères prennent acte du nouvel équilibre territorial et que les forces armées s'enlisent dans une spirale d'échecs, lui persiste dans une surenchère verbale dépourvue de portée.
Ainsi se dessine, inexorablement, la fin d'un cycle. La République se trouve à la croisée des chemins : entre la consolidation d'un Etat de fait dans l'Est et l'éventualité d'un changement de leadership dont l'ampleur dépendra de la vitesse à laquelle Kinshasa renouera ou non avec le sens de la réalité.
Aucun pouvoir ne survit durablement à l'aveuglement. Dans le cas présent, l'histoire semble s'écrire sans que le premier responsable n'en saisisse le cours.
Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/La-dislocation-definitive-de-l-architecture-strategique-en-RDC.html