Kolwezi ou le refuge du pouvoir et scène d'une tragédie evitée #rwanda #RwOT

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Ce privilège paradoxal, qui érige la capitale du cuivre en îlot de stabilité au sein d'un pays profondément fragmenté, revêt une signification d'autant plus lourde que Kolwezi constitue désormais le véritable coffre-fort du régime, le sanctuaire où se précipite sans relâche le sommet de l'État.

Car c'est bien là que l'exploitation minière, loin d'obéir aux impératifs de transparence et de souveraineté économique, semble avoir été tacitement privatisée au profit du cercle présidentiel, placée sous la mainmise vigilante de la Première Dame, dont l'influence façonne les réseaux de prédation et de captation des rentes.

C'est dans ce décor, saturé d'intérêts opaques et de privilèges exclusifs, qu'un avion en provenance de Kinshasa, transportant une délégation du ministère des Mines, fut victime d'un grave accident, drame miraculeusement dépourvu de pertes humaines, mais révélateur, par contraste, de la fragilité extrême des infrastructures et de l'inconséquence organisationnelle qui entourent ce centre névralgique du pouvoir.

L'événement, bien qu'ayant épargné des vies, pèse comme une mise en garde supplémentaire dans l'interminable série d'incidents qui endeuillent l'aviation congolaise.

Ce drame évité de justesse n'a rien d'une anomalie : il s'inscrit dans une longue chronique d'accidents que l'on finit, non sans amertume, par considérer comme le tribut quasi rituel d'un secteur abandonné aux défaillances systémiques. Les Congolais ont tristement forgé, à force de tragédies répétées, l'expression éloquente de " cercueils volants " pour désigner ces aéronefs vétustes, bricolés, parfois maintenus en service au mépris de toute rationalité technique. Le ciel congolais, loin d'être un espace de mobilité moderne, est ainsi devenu l'un des symboles les plus saisissants de l'effondrement infrastructurel de l'État.

L'aviation congolaise, miroir brisé d'un pays en déshérence

Les causes de ces accidents à répétition composent une mosaïque des carences nationales : aéroports ne répondant à aucune norme internationale, pistes tantôt impraticables, tantôt rongées par les intempéries, tours de contrôle déficientes ou dépourvues d'équipements élémentaires, et surtout appareils défaillants dont l'entretien est remis à des opérateurs privés sans morale ni supervision étatique sérieuse.

A cela s'ajoute une absence chronique de contrôle technique, la pénurie de pièces de rechange et un laisser-faire qui confère à la navigation aérienne une dimension quasi hasardeuse.

L'aviation, ailleurs symbole de souveraineté et de modernité, devient en RDC le miroir brisé d'un pays où l'État peine à assurer les conditions minimales de sécurité pour ses propres fonctionnaires.

Que des délégations ministérielles se déplacent encore dans de tels engins révèle moins la bravoure que l'accoutumance dangereuse à l'inacceptable. Le fait même qu'un crash miraculeusement non mortel soit accueilli comme une " bonne nouvelle " constitue l'un des paradoxes les plus tragiques de la gouvernance congolaise.

Ainsi, le récent incident de Kolwezi n'est pas un avertissement isolé, mais la manifestation d'un effritement systémique. Tant que l'aviation demeurera livrée à l'improvisation, à l'obsolescence et à l'inconséquence administrative, chaque décollage en RDC continuera d'être une loterie macabre, un saut dans l'incertitude, suspendu à la frontière ténue entre la routine et la catastrophe.

Un avion en provenance de Kinshasa, transportant une délégation du ministère des Mines, a été victime d'un accident sans faire de victimes

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Kolwezi-ou-le-refuge-du-pouvoir-et-scene-d-une-tragedie-evitee.html

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