
En contrepartie, Kiev acceptait de se dépouiller volontairement de l'arsenal nucléaire soviétique stationné sur son territoire, devenant ainsi le troisième État au monde à renoncer à une puissance atomique effective. L'acte fut présenté comme un gage de stabilité régionale, comme le sceau d'une ère nouvelle où la paix et la confiance devaient supplanter la méfiance et l'équilibre de la terreur.
Or ce mémorandum, pompeusement paré des oripeaux du droit international, ne fut jamais autre chose qu'une illusion juridique. L'Ukraine, en renonçant à son instrument de dissuasion, se trouva désarmée face aux appétits renaissants de la Russie, tandis que les puissances occidentales se retranchaient derrière la lettre d'un texte qui ne contenait aucune clause contraignante d'intervention.
Ce " pacte de sécurité ", loin de sanctuariser les frontières ukrainiennes, s'est révélé n'être qu'un chèque en blanc offert au Kremlin, qui n'hésita pas à renier ses engagements au gré de ses ambitions impériales.
Les promesses occidentales, elles aussi, se sont évaporées avec le temps. En 2014, lorsque la Crimée fut annexée par la Russie, ni Washington ni Londres ne prirent la peine d'aller au-delà de protestations indignées. L'argument juridique, le mémorandum ne prévoyait que de simples consultations et un recours au Conseil de sécurité, fut utilisé comme prétexte pour masquer une abdication politique.
Le président Barack Obama, déjà engagé dans une doctrine de retenue militaire, venait de renoncer à faire respecter ses propres " lignes rouges " en Syrie après l'usage d'armes chimiques par le régime de Damas. Cette politique de non-intervention fut répliquée en Ukraine : le mémorandum de Budapest, brandi comme un symbole de solidarité, ne fut qu'un parchemin inutile, bon tout au plus à alimenter les discours mais impuissant à endiguer les chars russes.
Quant à Moscou, l'évolution est plus cynique encore. Sous Boris Eltsine, la Russie affaiblie s'était engagée à respecter la souveraineté de ses anciens satellites, tout en laissant entrevoir aux Occidentaux l'image d'un partenaire fiable, absorbé par ses propres convulsions internes. Mais cet engagement n'était qu'une parenthèse. Très vite, la Russie de Vladimir Poutine se détourna des promesses d'Eltsine pour renouer avec la vieille tentation impériale. L'Ukraine, privée de son parapluie nucléaire par le mémorandum, se trouva réduite à l'état de proie offerte, condamnée à expérimenter la vacuité des garanties internationales dès lors que les intérêts stratégiques des grandes puissances sont en jeu.
Aujourd'hui, alors que la guerre déclenchée en février 2022 se poursuit avec une brutalité inouïe, Volodymyr Zelensky rappelle, non sans amertume, que " le Mémorandum de Budapest n'a pas fonctionné un seul jour ". Ce constat est accablant : il révèle à la fois la duplicité russe et la lâcheté occidentale.
Les Américains et leurs alliés européens, prompts à exiger des sacrifices de la part de Kiev dans les années 1990, n'ont pas eu le courage de faire respecter leurs propres engagements trois décennies plus tard.
La leçon est implacable : une signature, une promesse ou une assurance diplomatique ne valent rien sans une volonté politique ferme, sans une traduction militaire et stratégique réelle. L'Ukraine, aujourd'hui, exige de nouvelles garanties de sécurité avant d'envisager une paix négociée. Mais elle sait désormais que les belles paroles des chancelleries ne sauraient remplacer une défense effective.
La trahison des promesses de Budapest a transformé la méfiance en doctrine : aucun État ne consentira plus jamais à se désarmer sur la seule foi de garanties occidentales, désormais perçues comme des chimères diplomatiques.
L'histoire retiendra que ce mémorandum fut une " erreur historique ", non seulement parce qu'il a désarmé l'Ukraine face à l'ogre russe, mais aussi parce qu'il a consacré l'illusion d'une sécurité internationale reposant sur des promesses sans contrainte. La tragédie ukrainienne n'est pas seulement celle d'un pays martyrisé : elle est aussi le miroir des renoncements occidentaux et la preuve que l'ordre mondial, quand il n'est pas soutenu par la force, demeure un fragile édifice de papier.En contrepartie, Kiev acceptait de se dépouiller volontairement de l'arsenal nucléaire soviétique stationné sur son territoire, devenant ainsi le troisième État au monde à renoncer à une puissance atomique effective. L'acte fut présenté comme un gage de stabilité régionale, comme le sceau d'une ère nouvelle où la paix et la confiance devaient supplanter la méfiance et l'équilibre de la terreur.
Or ce mémorandum, pompeusement paré des oripeaux du droit international, ne fut jamais autre chose qu'une illusion juridique. L'Ukraine, en renonçant à son instrument de dissuasion, se trouva désarmée face aux appétits renaissants de la Russie, tandis que les puissances occidentales se retranchaient derrière la lettre d'un texte qui ne contenait aucune clause contraignante d'intervention.
Ce " pacte de sécurité ", loin de sanctuariser les frontières ukrainiennes, s'est révélé n'être qu'un chèque en blanc offert au Kremlin, qui n'hésita pas à renier ses engagements au gré de ses ambitions impériales.
Les promesses occidentales, elles aussi, se sont évaporées avec le temps. En 2014, lorsque la Crimée fut annexée par la Russie, ni Washington ni Londres ne prirent la peine d'aller au-delà de protestations indignées. L'argument juridique, le mémorandum ne prévoyait que de simples consultations et un recours au Conseil de sécurité, fut utilisé comme prétexte pour masquer une abdication politique.
Le président Barack Obama, déjà engagé dans une doctrine de retenue militaire, venait de renoncer à faire respecter ses propres " lignes rouges " en Syrie après l'usage d'armes chimiques par le régime de Damas. Cette politique de non-intervention fut répliquée en Ukraine : le mémorandum de Budapest, brandi comme un symbole de solidarité, ne fut qu'un parchemin inutile, bon tout au plus à alimenter les discours mais impuissant à endiguer les chars russes.
Quant à Moscou, l'évolution est plus cynique encore. Sous Boris Eltsine, la Russie affaiblie s'était engagée à respecter la souveraineté de ses anciens satellites, tout en laissant entrevoir aux Occidentaux l'image d'un partenaire fiable, absorbé par ses propres convulsions internes. Mais cet engagement n'était qu'une parenthèse. Très vite, la Russie de Vladimir Poutine se détourna des promesses d'Eltsine pour renouer avec la vieille tentation impériale. L'Ukraine, privée de son parapluie nucléaire par le mémorandum, se trouva réduite à l'état de proie offerte, condamnée à expérimenter la vacuité des garanties internationales dès lors que les intérêts stratégiques des grandes puissances sont en jeu.
Aujourd'hui, alors que la guerre déclenchée en février 2022 se poursuit avec une brutalité inouïe, Volodymyr Zelensky rappelle, non sans amertume, que " le Mémorandum de Budapest n'a pas fonctionné un seul jour ". Ce constat est accablant : il révèle à la fois la duplicité russe et la lâcheté occidentale.
Les Américains et leurs alliés européens, prompts à exiger des sacrifices de la part de Kiev dans les années 1990, n'ont pas eu le courage de faire respecter leurs propres engagements trois décennies plus tard.
La leçon est implacable : une signature, une promesse ou une assurance diplomatique ne valent rien sans une volonté politique ferme, sans une traduction militaire et stratégique réelle. L'Ukraine, aujourd'hui, exige de nouvelles garanties de sécurité avant d'envisager une paix négociée. Mais elle sait désormais que les belles paroles des chancelleries ne sauraient remplacer une défense effective.
La trahison des promesses de Budapest a transformé la méfiance en doctrine : aucun État ne consentira plus jamais à se désarmer sur la seule foi de garanties occidentales, désormais perçues comme des chimères diplomatiques.
L'histoire retiendra que ce mémorandum fut une " erreur historique ", non seulement parce qu'il a désarmé l'Ukraine face à l'ogre russe, mais aussi parce qu'il a consacré l'illusion d'une sécurité internationale reposant sur des promesses sans contrainte. La tragédie ukrainienne n'est pas seulement celle d'un pays martyrisé : elle est aussi le miroir des renoncements occidentaux et la preuve que l'ordre mondial, quand il n'est pas soutenu par la force, demeure un fragile édifice de papier.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Le-Memorandum-de-Budapest-ou-trente-annees-de-desillusions-et-de-promesses.html