
En étalant publiquement ses états d'âme, le représentant de Bruxelles s'est exprimé moins en stratège qu'en confesseur, avouant une impuissance qui en dit long sur l'atonie européenne face à la tragédie congolaise. " Je suis chagriné que depuis les mesures édictées en février et mars derniers au niveau européen, la question du conflit dans l'Est du Congo n'anime plus guère nos débats ", a-t-il déclaré à Kinshasa, en appelant à rectifier cette indifférence et à maintenir l'engagement des Européens aux côtés de la RDC, parallèlement aux discussions menées à Washington et à Doha.
Ce plaidoyer, en apparence sincère, révèle pourtant l'incapacité chronique de la Belgique à lire avec lucidité les dynamiques profondes de la région des Grands Lacs. Tandis que l'Est congolais s'enfonce dans une spirale de violence récurrente, nourrie par des conflits transfrontaliers, des rivalités ethno-politiques et des convoitises économiques inextinguibles, Bruxelles se cantonne à une posture réactive, oscillant entre compassion diplomatique et inertie stratégique.
Il est particulièrement dommageable que le ministre Prévot et son gouvernement semblent sourds aux " signes du temps ", incapables de saisir que le statu quo, loin de contenir la crise, en perpétue les germes.
Cette cécité belge ne saurait être réduite à un simple défaut d'analyse contemporaine ; elle plonge ses racines dans une responsabilité historique que Bruxelles peine à assumer. Ancienne puissance coloniale, la Belgique n'a cessé de se retrancher derrière une rhétorique de " coopération " qui masque mal son désengagement progressif et son incapacité à impulser une vision politique claire.
Pire encore, elle se laisse enfermer dans le rôle d'acteur périphérique, s'alignant au gré des injonctions venues de Kinshasa au lieu d'assumer une voix singulière et courageuse sur le dossier congolais.
En vérité, la Belgique se retrouve aujourd'hui à la traîne non seulement par manque de courage politique, mais aussi par déficit de lucidité stratégique. Alors que les acteurs régionaux et internationaux redéfinissent leurs rapports de force dans la région, Bruxelles persiste dans une attitude frileuse, préférant le confort d'un soutien symbolique à Tshisekedi plutôt que d'affronter les véritables enjeux : l'effondrement de l'État congolais, la militarisation chronique des rébellions et l'instrumentalisation cynique des ressources naturelles.
Il en résulte une posture paradoxale : une Belgique prompte à s'émouvoir des tragédies congolaises, mais incapable de dépasser l'incantation pour s'inscrire dans une diplomatie d'action. À ce jeu, elle prend le risque de voir son influence résiduelle s'évaporer, son rôle cantonné à celui d'un témoin passif des drames successifs qui ravagent l'Est du Congo.
Plus que jamais, il est urgent que Bruxelles rompe avec cette cécité volontaire, qu'elle se dote d'une parole claire et d'une stratégie ferme, faute de quoi elle ne fera qu'ajouter l'impuissance contemporaine à la longue liste de ses responsabilités historiques.

Tite Gatabazi